Une bien belle histoire d’amour… Episode 6

Du côté des bois de Saint-Martial, une autre histoire ne tarde pas à défrayer la chronique locale.

Dans les années 1920, la belle Marthe habite seule une maison isolée en dehors du village, juste à l’orée des bois qu’elle avait héritée de ses parents. Elle est pieuse, célibataire, courageuse et se rend à la messe tous les matins.

Jeune et jolie, elle est courtisée par tous les gars du village mais aucun ne lui plait vraiment. Le père Naud, curé du village depuis de longues années tombe malade et doit être hospitalisé.

Pour le remplacer, l’’Archevêché de La Rochelle envoie un jeune prêtre, beau comme un dieu, l’oeil noir, la mèche impeccable descendant sur le front, la raie bien faite et les cheveux plaqués. Il est beau dans sa soutane neuve impeccablement repassée, son col empesé et ses souliers de cuir astiqués selon des méthodes très secrètes apprises au petit séminaire. Il s’appelle ” Père Colboque”.

La rencontre…

Que se passe-t’il dans le regard du jeune prêtre et de la belle ingénue? Toujours est-il que le village remarque bien vite des visites hors normes et de plus en plus fréquentes au presbytère, après la messe, le dimanche après-midi et tous les autres jours de la belle jeune femme.

Les vieilles bigotes interrogent la bonne du curé Mme Joseph, qui ne veut rien voir de mal dans les rapports peu ecclésiastiques entre les deux sujets de dieu. Quand l’embonpoint de la belle s’enfle par le devant nul ne doute que le Saint Esprit ne peut quand même pas réaliser deux fois les mêmes miracles.

Pris de panique, les deux tourtereaux partent se cacher dans leur cabane à l’Orée du bois comme elle l’a appelée. Ils y vivent un grand amour. Le Père Colboque choisit de quitter la soutane et le village est à nouveau privé de prêtre.

Le couple ne fréquente personne, il vit en autarcie, cultivant un lopin de terre, avec quelques chiens, poules et lapins. Un beau jour, un beau petit garçon naquit.

Il est le fruit de leur grand amour, né dans le pêché mais protégé quand même par l’église. Elle pardonne, le village pardonne, seules quelques grenouilles de bénitier murmurent derrière les rideaux tirés sur le passage de la petite famille toujours tous ensemble.

Ils peuvent venir s’installer dans la vie villageoise, mais ils préfèrent le calme et la quiétude de la mère nature au milieu des bouquins poussiéreux qui garnissent les étagères rustiques fixées aux murs blanchis par la chaux. Et le temps passe.

A nouveau seule…

La jeune compagne devient peu à peu une jeune femme mûre mais le Père Colboque tombe gravement malade. Dieu qui n’abandonne jamais les siens, le rappelle à lui et la Mère Colboque se retrouve seule dans sa petite maison, démunie de ressources mais vaillante et décidée.

Elle s’occupe du potager, du verger, de ses bêtes, travaillant pour deux et va au village vendre ses productions. Le boucher, l’épicier, l’instituteur, le préposé aux postes, tous sont devenus de bons clients qui apprécient ses produits.

Elle leur propose ses fromages, ses asperges, ses œufs, ses salades et l’hiver quand tout se tarit, elle récolte les premiers pissenlits, les premières doucettes, prêtant ses livres, offrant ses conseils et prêchant la bonne parole.

“Tout se soigne avec les plantes dit elle. La nature donne tout ce dont nous avons besoin, il suffit de bien savoir choisir. Les fleurs de violettes agissent contre la toux, les fleurs de sureau pour garder l’’oeil vif, le tilleul pour bien dormir.”

Elle apporte des mélanges de plantes médicinales aux uns et aux autres, expliquant longuement leurs propriétés, leur emploi ou leur utilisation. Comment faire une infusion, une décoction, le moment où il convient de les prendre.…

Elle souffle sur les brûlures, pose la main sur les douleurs, marmonne quelques prières et on est sûr d’être presque toujours guéri. Même le pharmacien et le Docteur font parfois appel à elle tant ses décoctions et ses mots donnent du bien aux autres.

Mais la mère Colboque vieillit et ses vêtements avec elle. Elle lave, ravaude et reste toujours alerte. Elle déraille un peu et on commence à la trouver bizarre. Marthe de son prénom elle devient la Mère Colboque.Les enfants s’’enfuient à sa vue et on se demande si parfois elle ne peut pas jeter des sorts. Mais,les maisons où elle va régulièrement lui restent fidèles car elle n’a aucun sou de méchanceté.

On lui garde toujours une part de gâteau, de tarte, un petit morceau de rôti.

“Tenez Madame Colboque nous l’avons mis de côté pour vous, ça nous fait plaisir”.

Le retour du Père Colboque…

Elle ne se fait pas trop prier et paie d’un conseil ou d’’une histoire. Elle aime raconter quelquefois la visite régulière de l’’âme du père Colboque qui veille toujours sur elle et son enfant. La première fois qu’’elle prend conscience de cette présence, c’’est un soir au coin du feu, maigre feu car elle n’a que le bois ramassé aux alentours.

Pensant à son cher défunt, elle voit une boule lumineuse extraordinairement bleue et brillante arriver près d’elle et s’immobiliser à quelques centimètres du sol.

Elle se sent aussitôt baignée d’une chaleur pleine de douceur qui n’a rien de terrestre. La boule reste en sa compagnie au coin du feu et elle comprend qu’il est revenu près d’elle pour la protéger.

Elle revoit la petite boule bleue souvent et au village on ne manque pas de lui demander:

«L’avez-vous vu dernièrement,»

Elle sourit et répond:

«oui, il est venu dimanche, ou il était là hier soir ou encore je sais qu’il viendra demain».

On s’attriste pour elle quand elle répond:

« Non ça fait quelques jours, le temps me dure…. il est très occupé la-haut avec tous les décès de ces derniers jours, mais je sais qu’il est bien où il est il me l’a dit».

Bien sûr cela nous fait sourire, mais quelle belle leçon d’’amour dans ce souvenir allant au delà de la mort et cette façon de vivre une autre forme de couple. Mais si tout ceci est bien réel, quelle chance elle a dans son malheur.

Les visions de la mère Colboque deviennent vite contagieuses et d’autres se vantent bientôt d’avoir vu les mêmes petites boules lumineuses. Tout le village vit cette période dans l’attente d’un miracle. C’est devenu une mode ou chacun espère la suite et tous attendent le retour du Père Colboque.

Pendant ce temps le fils Colboque a grandi, il appris le métier de charcutier. Il l’exerce encore aujourd’hui. Il s’est marié à Renée la fille du capitaine des pompiers. Ils ont trois enfants très marqués par leur origine pécheresse.

Les liens de la famille Colboque et de l’’église restent difficiles, mais la femme du charcutier veille au grain. Issue d’une famille très croyante, elle met bon ordre à tout ça et tout le monde est baptisé comme il se doit en temps et en heure.

Saucisse en est le premier héritier, suivi un peu plus tard de Madeleine et Jeanne enfants studieuses et sages. Seul, Saucisse vit en polisson et ses notes à l’école s’en ressentent lourdement.

A suivre…

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