La seconde rencontre au Château des Mystères…………..Episode 11

Il est 9h30 ce matin-là, personne ne manque à l ’appel. La petite troupe démarre. Certains courent, les plus petits ramassent des pierres sur le côté du chemin et les lancent en visant des choses invisibles.

Pierrot:
– “Calmez-vous dit il.
Ils ramassent un bâton, et jouent à Durandal avec leurs épées de bois.
Pierrot et Tapioca sont plus sérieux, un peu anxieux quand même de cette seconde rencontre.

Tapioca :
-“Que va-t-on lui dire aujourd’hui”.
Pierrot :
-“Rien de spécial, mais il va nous montrer plein de choses, et je veux voir son gros ballon de près”.
Tapioca:
-” Il va nous faire faire un tour” ?
Pierrot:
– “Peut-être, il sait que ça nous fera plaisir. Compte sur moi pour le lui rappeler”.
Tapioca:
– “C ’est vrai qu’’il est très vieux ?”
Pierrot:
– “C’ est sûr. Mais il semble moins vieux que certain vieux du village.”
Tapioca:
-” Peut-être que les années n ’ont pas d ’emprises sur lui”.
Pierrot:
– “Tu crois ? Il est peut être immortel”…
Tapioca:
– C’est quand même bizarre qu’il soit sur tous les tableaux du grand salon et qu ’il ait toujours la même tête”.
Pierrot:
– “Tu as vu, il est exactement pareil avec Louis XIV qu’ aujourd’hui.”
Pierrot:
– “C’ est peut-être un fantôme.”
Tapioca:
– “Tu es fou, tu veux nous faire peur ? ”
Pierrot:
-” Les fantômes ne parlent pas et ne se montrent que la nuit.”
Tapioca:
– “Tu crois ?”
Saucisse:
– “Qu’ est-ce que vous dites, dit il en essayant d ’attraper un superbe papillon.”
Gros sel:
– Ils parlent de fantômes,” et joignant le geste à la parole, il imite leur cri.
Gros lard :
-“Ouh ouh ouh “en jouant avec sa voix autour de Tapioca pour lui faire peur
Tapioca:
-“Toi, je vais te gifler.”
Gros lard :
– Elle a peur, elle a peur elle a peur !!!!” Dit-il en rigolant.
Tapioca:
-“Non, je n’ai pas peur, mais quand même la situation est bizarre, mieux vaut ne pas jouer avec le feu.
Pierrot attrape Gros lard et lui tord le bras.
Gros lard:
– “Arrêtes, tu me fais mal” dit-il.
Pierrot :
-“Arrêtes toi-même.”
Gros lard :
-” Mais, je m’ amuse, ce n ’est pas méchant.”
Pierrot :
-“Je te dis d’arrêter, un point, c’est tout.”
Gros lard :
-“Bon, ça va, j ’ai compris, j ’arrête mais lâches-moi.
Pierrot le lâche. Gros lard est tout rouge, vexé. Il reprend sa place dans le groupe à quelques mètres derrière eux en bougonnant, mais il n’ adresse plus la parole à personne jusqu’ à la grille du château.
Arrivé devant la porte d’entrée, Pierrot tire la chaîne dorée qui fait basculer le carillon au-dessus de la porte. La cloche de bronze, oxydée par le temps raisonne frappée par le marteau de plusieurs petits coups secs. Il tire plusieurs fois sur la chaîne. Le son tinte avec une résonance claire, perceptible certainement très loin.
L’ écho renvoie le son comme un roulement de tambour qui s’ égrène, tout doucement, porté par le vent. Un bruit de pas se fait entendre derrière la porte, c’est le jardinier qui arrive.
On attend un bruit de chaîne et de loquet qu’on retire en grinçant de façon acide.
Le jardinier Ralph:
– “Ah, c’ est vous les enfants, je crois que le docteur vous attend, dit-il, avec un français impeccable, ponctué quand même d ’un fort accent d ’Outre Rhin. –
Les enfants:
-“Bonjour, Mr Ralph. – Comment allez-vous ?
Le jardinier Ralph:
– “Oh, très bien.
Pierrot et tapioca en coeur:
– “Comment va le docteur Melchior ?”
Ralph:
– Oh, je crois qu ’il est très impatient de vous rencontrer, il vous aime déjà beaucoup. Il m’ a fait ramassé beaucoup de fruits pour vous.”
Gros lard:
-” Les gros du jardin”.
Ralph:
– “Bien sûr, je les ai goûtés, ils sont très bons.”
Tapioca:
– Vous êtes gourmand Ralph, dit elle.”
Ralph:
– “Chut ! fit-il en mettant son doigt sur sa bouche, il ne faut pas le dire.”
Les enfants rient de bon coeœur. Tout en parlant Ralph remet la grosse clé dans la serrure de la petite porte de bois toute clouée et referme la porte.
Ralph:
– “Allez, vite. Personne ne doit vous voir entrer ici.”
Tapioca:
– Mais on ne fait rien de mal.”
Ralph:
– “Je le sais, mais vous connaissez les gens du village. Si par malheur ils vous voient rentrer ici, ils appelleront les gendarmes, et nous serons tous ennuyés.”
Gros lard:
– “Il est pourtant gentil, le docteur Melchior”.
Ralph:
-“Oh ! C’est un coeœur d ’or, mais tout le monde n ’a pas la même opinion que vous.
Tapioca :
-“Mais personne ne le connaît.”
Tout en parlant, ils traversent le parc. Ils foulent les petits cailloux blancs de leur chaussures, tout est calme et beau. La pluie a cessé et le ciel est resté gris.
Les nuages sont d ’un blanc sale, ils se chevauchent et cachent le beau ciel bleu présent au-dessus des têtes pendant toute la semaine. Hier, ils sont arrivés par l’ ouest, et le temps a changé.
Pierrot:
– “Il ne fait pas beau aujourd’hui, Mr Ralph”
Ralph:
-“Oui, mais c ’est bon pour le jardin, très bon même, je n’ aurais pas à arroser aujourd’hui surtout que le puits est presque à sec. Pierrot croit entendre son Père…
Pierrot:
-“décidément pense t’il”
Toute cette discussion bruyante alerte les chiens. Ils accourent à la grille et reconnaissant les enfants, leur tournent autour en faisant des sauts de cabri. Ces changements dans leur vie, leurs apportent à eux aussi un peu de gaîté. Ils aboient tout content.
Ralph:
-“Silence, les chiens. Laissez les enfants. Allez en route, Her docteur nous attend.”
Tous prennent le chemin du château, en direction du perron. Les chiens courent un peu dans tous les sens, faisant les fous, et les enfants sont heureux d ’être là.
Saucisse:
– “Tu as vu comme les chiens nous font la fête. Ils savent que c ’est un peu grâce à eux que nous sommes ici. Ils sont fiers de nous avoir trouvés, et ils le font remarquer.
Gros lard:
– Tu crois?.
Mais les chiens ne pensent pas !
Tapioca:
– Tu te trompes. Un chien a beaucoup de mémoire. Il se rappelle toute sa vie de ceux qui les aime, comme de ceux qui leur font du mal.
Saucisse:
-“Mais ils ne mordent pas.
Ralph:
– “Un chien mord quand il a peur, dit Ralph. Ils attaquent pour mieux se défendre. Ils savent que vous êtes gentils. De toute façon, ils sont plus forts que vous et ils le savent, donc ils n’ont pas peur et ne se méfient pas de vous.”
Tout en discutant, ils arrivent au pied du grand escalier de pierre. Le docteur Melchior, informé par le tapage des uns et des autres, les attend sur le perron.
Il les salue d’ abord de loin avec la main, les laisse arriver au pied de l’ escalier et leur crie :
-“Bonjour les enfants! ”
– Tous en coeœur :
-“Bonjour, docteur Melchior ! Vous allez bien?”
Le docteur :
-“Oui, merci les enfants, je préfère vous voir en visite, venir par la grande porte.”
Tapioca :
-“Nous aussi, Docteur. C ’est plus agréable et nous avons moins peur.”
Le docteur :
-“Avez-vous bien travaillé à l’ école cette semaine ?”
Pierrot :
-“Oui, mais c’ était les compositions, il a fallu tout réviser.” On a bossé, nous n’avions pas envie d’être puni et de manquer notre matinée avec vous”. Mais c’est fini, ce sont les dernières et j’ ai tout su.”
Le docteur est ému d’entendre ces mots :
-“C ’est bien Pierrot, tu deviendras un bon garçon et tu feras honneur à tous tes amis, tes parents et à tout ceux que tu aimes. Tu dois continuer à bien travailler à l’ école.”
Tapioca :
– “Moi, je suis toujours dans les cinq premières.”
Le docteur :
-“C’ est bien, mais si tu veux rester l’ ami du docteur Melchior, il te faudra devenir la première.”
Tapioca :
-“Oui, je le veux bien, mais c ’est l’ orthographe, je fais toujours trop de fautes.
Le Docteur :
-“Il faut lire ma petite, lire et relire sans relâche, la langue française est si belle.… J’ ai connu de grands poètes, de grands écrivains tout au long de ma vie, dans tous les pays, mais c’ est en France que je me suis le plus cultivé. Il y en a pour tous les âges, pour tous les goûts. Regarde Jean de la Fontaine. Je l’ ai bien connu, je suis même devenu son ami. Il habitait château Thierry, dans une petite rue qui monte vers le château, un personnage. Il aimait les voyages, les femmes et les plaisirs.”
Le Docteur s’ est assis et il parle de sa voix calme et posée. Les enfants l’ ont rejoints, ils sont tout autour de lui. Ils sentent que le docteur va leur raconter de belles histoires.
Le Docteur continuant:
– “Un jour, la Fontaine entreprend de se rendre à Lisbonne. C’ était un littéraire, brillantes études au lycée, beaucoup de turbulences, élève difficile mais d ’une intelligence supérieure. Arrivé à Lisbonne, le roi l ’invite à la cour. Il est reçu dans les familles nobles.
Le roi de France l’ avait chargé de toutes ses lettres de créances. Il accomplit sa tâche à la perfection. Toutes les demoiselles rêvaient d ’être remarquées par ce brillant et jeune cerveau qui avait la confiance du France et qui était un gentilhomme de la cour ayant la confiance du roi de France. Tous les soirs, il est invité quelque part dans les grandes familles de la cour portugaise, on le fête. Ce n ’est que soirées brillantes, feux d’artifices grandioses, danses et repas plantureux. La Fontaine n ’est vu qu ’accompagné des plus exquises beautés nobles de la ville. Comme le séjour se termine, la Fontaine est l’invité par ’un des membres de l’ académie royale de Lisbonne. Il s’ y rend en grande pompe. Il arrive dans un carrosse doré tiré par six alezans noirs. La Fontaine est reçu en grand seigneur et les académiciens lui offrent un très beau livre écrit à la main. La reluire est en cuir, le papier est en vieux parchemin de mouton et les lettres en or. c’est un véritable chef d’œuvre des artisans écrivains, et relieurs du pays. Il apprécie ce présent, écrit dans une langue qu’il n ’a pas apprise et ne connait pas, mais se promet de le faire traduire, dès on retour dans sa bonne ville de château Thierry.
Il rentre en France et fait immédiatement traduire le manuscrit… Il convoque son secrétaire et le charge de surveiller le travail. La seule chose qu ’il connaît, c’est le titre : « Les fabuleuses fables d ’ Ésope ».. auteur Grecque, vivant 500 ans avant Jésus Christ.
A la lecture de la traduction, La Fontaine est séduit par les textes qu ’il découvre sous les yeux. Il retrouve dans les phrases et les pensées d ’ Ésope, le mal de son siècle et de ses habitants. Il décide donc de les recopier et de les publier. Pour rester dans le ton de son siècle, il met les textes en vers, et les appelle « Les Fables de la Fontaine ».
C ’est une superbe tricherie, mais personne à cette époque ne connaît les textes d’ Ésope. Très vite les fables de la Fontaine ont à la cour de France un retentissement extraordinaire, le roi, la reine, les seigneurs du royaume deviennent son ami. Cette supercherie n ’est découverte que bien plus tard, et La Fontaine, ce faussaire, ce copieur, passe et reste à la postérité.
Nous fêterons en 1995 les 300 ans de sa naissance. Aujourd ’hui encore, les détenteurs de ce manuscrit d’ Ésope pourrait écrire ce que ce pilleur de textes n ’a pas juger bon de traduire ou de recopier. Moi même, j’ai longtemps cru qu ’il était le véritable auteur de ces fables. Lorsque le bruit couru que c’ était un usurpateur, je l ’ai même défendu, mais devant les preuves, il a bien fallu que je me rende à l’ évidence.
Le Docteur:
– “Mais, Docteur, pourquoi la maîtresse ne nous l’a jamais dit ? Elle nous a laissé croire qu il était l’ auteur de ces fables.”
Saucisse:
-“Cette semaine à l’école, la maîtresse nous fait apprendre Le corbeau et le renard.”
Gros lard:
– ” Tu sais ce que tu vas faire, Saucisse .”
Saucisse:
– “Non.”
Gros lard
-” Ecoute, la fable, tu dois la copier sur ton cahier du soir et l ’illustrer…”
Saucisse:
-” Oui ?”
Gros lard:
– “Et bien écoute, au lieu de signer Jean de la Fontaine, tu signes Ésope.
Le Docteur :
-“Et vous serez puni, et ce sera bien fait. Toutes les vérités ne sont pas bonnes à dire. Soyez plus intelligent, demandez plutôt à votre Maître de vous parler d ’ Ésope, il doit connaître.”
Gros Lard:
– “Moi, j’ai une maîtresse, dit Gros sel.”
Le Docteur :
-“C’ est pareil mon garçon, ils ont fait les mêmes études, et souvent aux mêmes endroits. Moralité, quand on a la science, on peut faire beaucoup de choses et tout le monde vous croit. Ceci dit, il vaut mieux rester honnête, le monde ne s’ en portera que mieux.”
Tapioca:
– Et vous, docteur, vous êtes honnête ?
Le Docteur :
-“Moi, je crois et je pense l’ avoir toujours été. Mais il est difficile de se juger soi-même.”
Pierrot:
– “Dites, docteur, reprend Pierrot, pourquoi les gens du village disent autant de mal sur vous.”
Le Docteur :
– C’ est à eux qu ’il faut le demander, je ne sais pas. C ’est la première fois que cette chose là se produit. Je pense qu ’il s’ agit de jalousie. Ils veulent s’ approprier mes terres. Mais je ne veux pas les vendre. Mon château a une histoire qui a débuté bien avant la révolution. J’ai vu Louis XVI perdre sa tête, Napoléon courir jusqu’à Moscou, j’ ai vu les Prussiens assiégés Paris, et j ’étais avec Gambetta quand il s ’échappa en ballon de Paris assiégé. Depuis ce jour, je suis resté fidèle à ce mode de déplacement, surtout quand il fait beau. Des époques, j ’en ai connu bien d’autres, et ce serait trop long de tout vous raconter aujourd ’hui. Dans chacune d’ elle j’ai eu à me confronter avec mes concitoyens. J ’ai toujours été aimé, respecté, mais ici c ’est tout le contraire. J’ ai offert à la municipalité il y a longtemps, le terrain où vous jouez au football le dimanche. Jamais quelqu ’un n’ est venu me dire merci, au contraire, au moment des élections, certains ont lancé des pierres sur ma voiture.”
Saucisse:
-“Et les gendarmes n’ ont rien fait dit Saucisse?”
Tapioca:
-” Les gendarmes, ils sont là quand on n’ a pas besoin d’eux. Quand ils sont en service, soyez certains que là où lls s’ arrêtent, il y a un café pas loin. J ’en connais un ou deux, si on leur faisait un Alcootest le soir quand ils rentrent…
Pierrot:
– “Oui, mais mon père dit que le chef est très dur.
Le Docteur:
– “Pas encore assez, ils doivent montrer l’exemple.
Pierrot:
-“Docteur ? – Oui Pierrot, quelque chose te tracasse ?
Pierrot:
-“Docteur, pourquoi quand vous êtes au château, il y a toujours des fumées noires qui sortent de la cheminée ? Les gens du village disent que vous faites de la sorcellerie.”
Le vieil homme sourit et dit:
– “Bien sur que je suis un sorcier, un peu inventeur aussi mais pas dans le sens où les gens du village le racontent. Lorsque j ’ai acheté ce château, il y avait beaucoup de vignes autour, et le village n ’existait pas. Il y avait seulement quelques chaumières. Le seigneur du village était Monsieur le Comte de Loulay. Il me l ’a vendu avec toutes ses terres à condition que je continue l’exploitation et que je donne du travail aux gens du village. Il se retira au couvent et mourut quelques années plus tard. Nous étions sous le bon Roi Henri IV, celui qui s ’est fait assassiné par Ravaillac en 1610. J’ étais l’ami de Sully, son Premier Ministre. Voilà un bon Ministre, il respectait les pauvres gens, grâce à lui Henri IV fut un grand roi. C ’est dommage que ce fou de Ravaillac l’ assassina, ils leur restaient tant de choses à faire.
Gros lard:
-“Pourquoi il l’a tué, il ne le connaissait pas demande t’il
Le Docteur:
– Personne ne l’ a jamais bien su, mais il faut chercher à qui profita le crime. Après sa mort, les italiens envahirent la cour de France. Marie de Médicis d ’abord, puis sa fille Catherine de Médicis ensuite, ils régnèrent en maîtres absolus sur le trône de France avec l’appui de Mazarin Premier Ministre, et de Richelieu ensuite. C’ est donc vers cette époque, que Sully me demanda de racheter les terres du vieux Comte, il était trop vieux pour s’ en occuper. Il n ’avait pas d’enfants, donc pas d’héritiers et nous avons fait affaire. Les vignes étaient très belles et nous récoltions beaucoup de vin. Mais nous ne buvions pas tout . Le reste était brûlé dans des appareils compliqués, qu ’on appelle alambic. J’ai beaucoup travaillé sur les méthodes de vieillissement du vin. Grâce à mon travail j’ étais arrivé à obtenir une qualité exceptionnelle. Pendant plus de 300 ans, j’ ai envoyé du vin, du pineau, du cognac, dans tous les coins du royaume et plus loin encore. Au début de ce siècle, il y a eu un hiver terrible, il fit très froid, des milliers de gens sont morts à travers la France. Les vignes gelèrent à 100%. Il faut cinq ans pour les faire revivre et qu’ elles repoussent. A cette époque je voyageais, je n ’étais pas en France. Quand je revins au pays, mes vignes étaient en friches. Plus rien n’ avait poussé. Mes beaux plants avaient disparu. Depuis, j’ ai racheté des vignes, j’ ai replanté, j’ ai loué de nouvelles terres vers les fruitières de Lozay et celles près du cimetière. Je récolte toujours quelques hectolitres de vin que je vinifie moi-même. Je fais mon cognac, mon pineau, du rouge, du blanc et j ’en vieillis également que je sélectionne et que je stocke en cave”.
Pierrot:
-“Mais les fumées docteur, je ne comprends pas”.
Le Docteur:
-” Les fumées, c ’est très simple, pour faire de l’ alcool, il faut brûler le vin dans un alambic, au bout du serpentin, il y a un robinet par lequel le cognac s’é’coule en goutte à goutte. Tout le reste part en fumée. Il faut longtemps pour brûler une barrique de vin. Tout le temps de la distillation, les fumées s’envolent vers le ciel et en retombant, nourrissent un petit champignon qui noircit la pierre, les bois partout ou il se trouve comme il l’ont fait aux murs de cette maison.
Tapioca:
Mais pourquoi ?
Le Docteur:
– Je viens de te l’expliquer, quand les fumées s ’envolent vers le ciel, elles ont une petite odeur d’ alcool on les appelle la « part des anges ».
Saucisse:
– Le bon dieu a-t-il droit à sa part, dit il”.
Le Docteur:
– Le bon Dieu comme les anges tous ont droit à ces bonnes odeurs… – Peut être n’ aiment t-il pas, renchérit le docteur amusé par la réflexion. Lorsque ces fumées retombent, elles se mélangent à la mousse, qui courent sur les murs et favorisent la reproduction d ’un petit champignon noir qui prolifèrent très vite. Personne n ’y peut rien. C’ est pour cette raison que les hauts de mes murs sont noirs et il n ’existe rien pour l’ en empêcher “.
Tapioca:
– ” Mais Docteur, vous ne faites pas de sorcellerie, vous ne brûlez pas les animaux pour faire des potions magiques s’écrie tapioca.”
Le Docteur:
-” Au risque de te déplaire ma petite fille, je ne fais rien de tout cela, j ’ai d’ailleurs prévu de vous faire visiter mon alambic et mon laboratoire.”
Gros lard:
On pourra goûter lance gros lard le gourmand de la bande avec un sourire malicieux.”
Le Docteur:
-“Certainement pas, vous êtes trop jeunes, je fais un alcool très fort, vous seriez malade.”
Pierrot:
– Pourquoi faites vous tout ça docteur demande t’il.”
Le Docteur:
-” Comme à chacun d ’entre nous, Dieu m’ a confié une mission. Je dois amener un peu de bonheur dans le coeœur des hommes. J ’ai pensé , qu ’en protégeant les vieilles traditions gastronomiques, culinaires, agro-alimentaires, je faisais une bonne action, profitable au monde.”
Pierrot:
-” Pourquoi dites-vous comme chacun d ’entre nous ?”
Le Docteur:
-“Les choses sont simples les enfants. Dieu a mis en place un système de vie sur la terre.”
Tapioca:
-” Alors vous êtes croyant, mais vous n ’allez pas à la messe, on vous y aurait vu.”
Le Docteur s’ adressant à elle!!!
-“Ecoute moi, comment t ’appelles-tu déjà ?”
Tapioca:
-” Tapioca”.
Le Docteur:
-” Tapioca, Tapioca n ’a jamais été un prénom.”
Tapioca:
-“Tout le monde m’ appelle comme ça depuis que je suis petite.”
Le Docteur très sec…
-“Ton prénom ?”
Tapioca gênée:
-“Béatrice”
Le Docteur
-“C ’est bien plus joli comme ça, tu ne trouves pas?”
Tapioca:
Si, mais je n’en ai pas l’habitude.”
Le Docteur:
-“Ecoute Béatrice, tout d’abord quand je parle, arrête de m ’interrompre. Premièrement, c’est très impoli. Deuxièmement, c ’est très désagréable.
Tapioca:
Excusez-moi docteur dit-elle, en baissant le tête.”
Le Docteur:
– “N’ en parlons plus, mais sachez-le ..”
C’ est vrai que je ne vais pas à la messe, mais je crois en dieu. Mon dieu à moi,
n’ est pas forcément le votre, pas plus qu ’il n ’est arabe ou chinois. Dieu, c’ est pour moi une force, une intelligence suprême qui a permis à la vie d ’arriver sur la terre. Il a eu à régler les principes géologiques, métaphysiques. Il a mis en place un système de reproduction naturelle, des plantes, des animaux, des hommes.
Toutes ces légions, qu elles soient végétales, animales ou humanisent par leur propre évolution, transformée la vie dans l ’espoir de la rendre meilleur.
L’ évolution des races, a fait dévier parfois le rôle des uns et des autres. Quand les abus vont trop loin, la nature les corrige d ’elle même. La règle la plus élémentaire à respecter quand on a la chance d ’avoir été choisi pour vivre, c’ est de respecter la vie.
Tapioca:
-“Mais ce sont mes parents qui m’ ont désiré dit Tapioca.”
Le docteur en hochant la tête négativement:
– “Certainement pas, quand la nature a besoin de légions, elle provoque des rencontres, elle réunit les hommes et les femmes pour qu ’ils procréent. Chacun a sa mission sur terre, au même titre que les plantes, les poissons et tous les animaux.”
Saucisse:
-“Nous aussi.
Le Docteur:
Surtout vous les enfants. Le fait de vivre, vous rend utile. Grâce à votre présence, vous êtes une bouche de plus à nourrir, à soigner, à éduquer, à habiller, à instruire. Votre présence génère des besoins que le monde doit assumer. Sans vous les enfants, des millions de personnes à travers le monde n’auraient pas d’utilité. Plus tard, quand vous serez adultes, votre rôle sera différent, mais le but final sera toujours le même. Vous devrez procréer pour que la chaîne humaine continue , travailler pour que vos enfants vivent dans un monde meilleur.
Tapioca:
-“j’aimerai bien avoir des enfants plus tard.
Le docteur:
– “Mais tu en auras et ils seront très beaux comme vous tous.…”
Les enfants sont surpris par ce discours, qu ’ils n’ont jamais entendu. Le docteur leur parle un langage d ’homme, il ne les traite pas comme des enfants. Il est loin de celui qu ’ils entendent d ’habitude, le curé à l’ église, les maîtres à l’ école ou plus simplement plus près d’eux, leurs parents. Ce langage est clair, tout devient limpide d’ans leur tête. Il répond complètement aux questions que se posent les jeunes, garçons ou filles quand ils entrent dans l ’adolescence . C’ela parait si simple …en apparence.
Le docteur sourit en se levant , et dit :
-“Allez, assez de bavardage, allons visiter mes caves.”
Tapioca:
-“Celle des rats dit Tapioca qui se mord la langue en se rendant compte qu’elle a parlé trop vite…”
Le Docteur:
-“Tiens , comment sais-tu que dans ma cave il y a des rats”, questionne le docteur.
Tapioca:
-” C’est mon tonton Olive qui le racontait autrefois.”
Le Docteur:
-“C’ est fou comme les mauvaises histoires font leur chemin. Personne ne les oublient. Je vais encore une fois vous expliquer la vérité. Ton oncle olive venait nous livrer tous les jeudis l’ épicerie, il était très gentil, avait toujours une bonne blague à nous raconter, mes gens l’ aimaient bien, mais il avait trois défauts :
– Il parlait beaucoup trop comme tous les bordelais.
– Il était curieux et posait trop de questions .
– Il buvait toujours quelques coups de trop.
Quand il venait au château, il lui arrivait toujours quelque chose . Il renversait un pot de fleurs en reculant, il roulait sur les tuyaux d’arrosage et les faisait éclater. Il écrasait mes massifs de fleurs, il est même une fois rentré dans la grille à l’ entrée du château. C’était très désagréable, je lui faisais souvent des remontrances. Il était très poli, il s ’excusait toujours en bégayant. Il me faisait pitié, mais il avait toujours une bonne blague à me raconter.J ’avais fini par ne plus y faire attention.
Chaque semaine, il venait nous livrer. Il m ’informait des derniers ragots. Un jour, après un grand nettoyage de ma cave, nous avions laissé les portes ouvertes pour aérer et sécher les sols que nous avions lavé à grandes eaux. Nous avions désinfecté les sols avec de l ’eau de javel. Je n’ aime pas sentir l’ odeur de l’eau de javel, j’avais donc laissé tout ouvert pour aérer. Olive est arrivé, c’ était l ’heure du déjeuner, j ’étais à table. J’ ai entendu sonner, j ’ai reconnu le teuf teuf de son camion avec son pot d’ échappement percé. Il avait sa clef et pouvait rentré au château comme et quand il voulait. Je lui disais toujours que son camion faisait trop de bruit, il n ’était pas contrariant, il me disait :
– «je vais le faire réparer, mais Paul mon voisin n’ a pas le temps. » –
Gros sel:
Qui c ’était Paul l ’interrompit gros Sel”.
Le Docteur:
– “Paul le militaire. Il est en retraite depuis quelques temps. Il était mécanicien dans l’ armée de l’air. Un brave homme, un jour que nous étions en panne, il s’ est arrêté et nous a ramené. En voilà un, que les ragots n ’intéressent pas. Je vous disais donc, Olive arrête son camion et livre sa marchandise. Apercevant la porte du vestibule ouverte, il descend à la cave.
Pierrot:
-“Et il a vu les rats.”
Le docteur
-“Non, non, pas les rats mais mes furets.
Gros sel:
-“Des furets, des furets, comme dans la chanson.”
Le Docteur:
-“Oui, de vrais furets…Je les élève pour aller à la chasse aux lapins, je vous les montrerai tout à l ’heure. Incommodés par l’ odeur désagréable de l’ eau de javel, ils se sont énervés. Ils ont réussi à soulever la porte de leur cage et se sont échappés. Quand il est descendu par l’’escalier, il les a aperçu et comme ce jour là, il avait encore bu quelques verres de trop, il les a vu gros comme des rats, et il a pris peur…. Il a remonté les escaliers quatre à quatre, sans regarder où il allait. La porte du vestibule est basse, tenez, regardez, elle est juste en face de nous. Tout en disant cela ils arrivent devant, elle n’ est pas très haute. Ton oncle regardait les marches en remontant et ne voit pas cette grosse poutre. Il l’a heurté violemment avec sa tête et s’est assommé. Il a poussé un grand cri, et
s’ est affalé dans le vestibule évanoui.”
Pierrot:
-“Vous voulez dire KO comme les boxeurs l ’autre soir à la télé.”
Le docteur acquiesse en opinant de la tête:
-“Il était là, couché par terre. Du sang coulait de son front, il avait une coupure en travers. Attiré par le cri, nous sommes accourus. Nous l’avons relevé pour le soigner convenablement. Je lui ai même donné quelques gifles pour le réveiller et un bon verre de cognac. A son odeur, faites-moi confiance, qu’il s ’est vite remis d’ aplomb . Si ma cuisinière ne lui avait pas supprimé la bouteille, il l’ aurait toute bue. Je lui demande ce qu’il faisait dans ma cave, il me répond qu ’il avait cru entendre un appel de moi.C ’était un mensonge évidemment. J’ai vite compris que c ’était la curiosité qui l’ avait poussé à descendre et qui l’a puni.”
Et après demande Tapioca?
-“Après, il s ’est reposé un moment, je crois qu ’il a mangé un morceau avec mes gens et il est reparti vers 14 heures tout guilleret, avec son sparadrap sur le front, en nous remerciant de notre gentillesse.”
– Pierrot
-“Ce n’est pas du tout ce qu ’il a raconté, en retournant au village.
Le Docteur
-“Il dit ce qu’il a cru bon de dire, ce qu’il a voulu, mais ce n’était pas la vérité et ses mensonges ne lui ont pas porté chance. Si Olive nous entend, il sait que je dis la vérité. Il doit être rouge de honte. Le mensonge et la calomnie sont de vilains défauts. C’est très mal vu au paradis.”
Tapioca
-“Oui mais, il n’est jamais revenu au château. Pourquoi ?”
Le Docteur:
-“C’est faux. La semaine suivante, Mr le curé est venu m ’informer de ce qu ’il racontait. C ’était très grave. J’ ai expliqué la vérité à Mr le curé et il m ’a cru.
Olive est repassé me voir car j’e lui est fait savoir que j avais besoin de lui, il est venu le soir même. Je l’ai reçu dans mon bureau, je m ’en rappelle comme si c’était hier. Ma gouvernante l’ a introduit dès son arrivée et a refermé la porte derrière elle.”
Olive:
Bonjour docteur, comment allez-vous me dit-il.”
Le Docteur:
-“C’est à toi qu’il faut demander ça, ta bosse est guérie?”
Olive:
-“Oui, elle est partie le lendemain, les soins de votre cuisinière ont été remarquables et je vous en remercie encore.”
Le Docteur:
-“Rose est une femme très efficace, la preuve.”
Olive pas très à l’aise:
-“Merci encore docteur.”
Le Docteur:
-“Justement Olive, tu as une drôle de façon de remercier les gens, pourquoi racontes-tu toutes ces balivernes au village, je t ’ai fait quelque chose de mal moi
?”
Olive très gêné :
-“Oh non docteur au contraire”
Le Docteur élevant la voix:
-“je ne comprend pas ce comportement, ne t’ ai-je pas toujours bien traité, toujours bien payé ?
Olive très mal à l ’aise:
-“Si docteur, mais je n’ai pas dit ça.
Le Docteur:
-” Tu n’as pas dit quoi ? J’ai été informé de tes indélicatesses par notre vieux curé. Crois-tu qu ’il mentirait à son âge ? Je peux lui téléphoner ou le faire venir si tu veux. Olive était tout rouge, il transpirait, il aurait préféré être dix pieds sous terre, il tortillait son tablier blanc comme un môme, pris en flagrant délit et qui se fait réprimander.
Le Docteur
-” Voilà ce que nous allons faire. Je ne te demande pas de te rétracter, ta malveillance des gens du pays est telle à mon endroit qu ’ils préféreront ta version. Mais tu vas me faire une lettre comme quoi tu as inventé toute cette histoire. Si les gendarmes m’ en parlent, je ressortirai ta lettre et tu t ’arrangeras avec eux. Vu ta grossièreté et ta méchanceté envers nous, tu ne livreras plus jamais plus un seul gramme de marchandises dans cette maison, tant pis pour toi.
Olive baissait le tête honteux, se tenant coït et roide.
Le Docteur courroucé lui ordonne d ’un ton vif :
-“Assied-toi et écris : « Moi, Olive, épicier au village, reconnaît avoir menti et colporté des ragots, pour me faire valoir aux yeux de mes copains du village.», signé Olive.
Il a signé et daté cette lettre de sa main. Le docteur sort de sa poche un portefeuille de cuir noir marqué de ses initiales en lettres d’or, il l’ ouvre et sort une feuille jaunie. Tenez, voici la preuve. Je pensais bien que nous parlerions de tout ceci, je le désirai afin que tout soit bien clair entre nous. Je l ’ai ressorti du coffre juste avant que vous n’ arriviez, vous voulez la lire… ? Tapioca prend la lettre et la lit haut et fort. A la fin, elle s’écrie :
-“Ah, quel salaud mon oncle.”
Le Docteur reprend :
-“Paix à son âme. Il a du rendre des comptes à son dieu en arrivant là-haut.”
Tapioca:
-“Mais alors, ce n’est pas vous qui l’avez tué reprit-elle.
Le Docteur:
Le jour où il est mort, j’ étais au Japon et j’ avais bien d’autres choses à faire. J’ ai appris sa mort quand je suis rentré de voyage et j’ ai même eu de la peine car je l’ aimais bien malgré tout.
Tapioca:
-“Il ne le méritait pas”
Le Docteur:
-“…Il faut savoir pardonner, il me faisait tant rire. Toujours une bonne blague à raconter, et je ne garderais que le souvenir de cet Olive là.”
Tapioca:
Vous êtes bien trop bon”
Le docteur:
De toute façon cela ne changera rien désormais, il a rejoint ses ancêtres.
Tout en parlant, ils descendent dans la cave. Les enfants découvrent tout un attirail de bouilleur de cru, tout ce que leur a raconté le vieux docteur est rigoureusement exact.
A suivre l’Episode 12

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Publié par
Pierre Marchesseau

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