La figue : gourmandise reconstituante

Ce fruit est un encas délicieusement reconstituant, c’est une gourmandise remarquable que ce fruit d’origine méridional.
Ses feuilles si belles l’ombragent suffisamment pour qu’il mûrisse à point, gorgé de soleil et de sucre aux saveurs de miel.

Comestible à tout moment du repas, on l’apprécie beaucoup, comme avec le foie gras ou avec un bon vin. Il sera apprécié cuit dans une pâte à tarte sucrée ou caramélisée, en confiture, chutneys ou marmelade. Il est parfait en accompagnement de gibier à poils ou à plumes ou tout simplement volé sur l’arbre.

Essuyé délicatement et porté en bouche pour être dégusté par une simple pression de la langue sur le fruit mûri à point qui écoulera son jus et ses saveurs jusqu’au plus profond de votre gorge.

La figue c’est tout cela à la fois, et quand les parfums de miellat empourpreront votre bouche, vous découvrirez ce transport de bonheur sensuel, partagé entre la fraîcheur du fruit, sa pulpe tendre et doucereuse et ses douceurs juteuses se ressentant comme une explosion de bonheur. C’est le secret de la figue et de ses saveurs…

Que l’on me prive de tout ce que l’on voudra, si ce n’est de café, de cigarettes et de figues disait Paul Valéry.

Fraîche ou séchée, elle peut se consommer sans modération car elle est riche en vitamines P. Elle est donc bonne pour la souplesse des vaisseaux sanguins, elle est riche en fibres et favorise le transit intestinal en étant très énergétique, elle fait partie des encas de nombreux sportifs et des amateurs d’efforts prolongés.

Fruit emblématique sur tout le pourtour de la mer Méditerranée, elle joue un rôle important dans l’alimentation et compose les 4 mendiants des 13 desserts de Noël en Provence.

Il est cultivé et consommé depuis le 4 ième siècle av J-C au Proche Orient comme nous le montrent les 300 chapelets de figues dans la tombe d’un pharaon de la XIX ième dynastie à Saqqarah et des textes royaux d’Ougarit qui mentionnent des gâteaux à la figue.

La figue est mentionnée, également, 50 fois dans la Bible en particulier dans la Genèse. Eve donna à Adam le fruit défendu et :
« Alors se dessillèrent leurs yeux, à tous deux, et ils connurent qu’ils étaient nus et, cousant des feuilles de figuier, ils s’en firent des pagnes».

C’est le fruit caractéristique de la Terre Promise et plus réellement de la Palestine. Les Phéniciens en exportaient en Grèce et à Rome. En Grèce, c’est la nourriture idéale avec l’huile, le pain, le vin et le miel offerts par le lopin de terre du paysan comme le dit le poète comique Philémon.

En effet, extrêmement sucrée, elle remplaçait dans l’alimentation des pauvres les substances adoucissantes plus coûteuses comme le miel. Les figues entraient aussi dans la composition d’un gâteau appelé bazyma, mélange de farine, de miel, de figues et de noix.

C’est la grande ressource de l’Attique, sa récolte est annoncée par les prêtres sycophantes car la maturité des figues annonce la régénération de la nature, plus tard, son exportation fut interdite, car on décida de conserver pour soi ce trésor de saveur mielleuse.

A Rome, Caton l’utilisa pour convaincre les sénateurs romains de détruire Carthage : montrant une figue cueillie trois jours plus tôt à Carthage, il leur prouva ainsi la proximité de leur ennemi.

Les figues terminaient la plupart des repas, les prandium et les encas campagnards. Elles formèrent jusqu’au XX ième siècle en Italie une part importante du repas du paysan.

Galien nous apprend aussi que les Romains nourrissaient certains animaux de figues pour consommer leur foie qui avait alors meilleur goût. Habitude confirmée par Palladius, auteur du IV ième siècle, pour l’engraissement des oies :

«Si l’on veut que leur foie s’attendrisse, on roulera en petites boulettes des figues sèches broyées, trempées dans de l’eau et on leur en donnera au bout de 30 jours d’engrais et cela pendant 20 jours consécutifs.» De Re Rustica, livre I, chapitre XXX.

Les Romains acclimatèrent les figuiers en Gaule pour pouvoir manger leur fruit favori, mais elles résistèrent mal au climat les plus septentrionaux.

C’est pour cela qu’à Versailles, leurs figuiers étaient mis en caissons comme les orangers et pouvaient ainsi êtres protégés des rigueurs de l’hiver.

Par contre, le climat de la Provence lui convient parfaitement et on trouve les figues sur tous les marchés à partir du 15 août.

Consommées fraîches ou sèches, au Moyen Age on ne sait pas toujours quand les manger. Si on s’inspire de préceptes anciens et réputés, chaudes ou sèches, on les conseille avec des noix et des amandes au dessert. Taillandier les considéraient putrescibles et froides, il les préférait en début de repas : «valent mieux à manger devant qu’après».

Jusqu’au début du XIX ième siècle, on compte trois fruits parmi les hors- d’œuvres et mangées avec du sel, le melon, la figue et la mûre, c’est un vrai délice nous dit et écrit Grimod de la Reynière un grand philosophe du goût.

D’ailleurs en Italie on les mange toujours en début de repas en accompagnement le très noble et délicieux jambon de Parme.

Nous avons dit précédemment que le figuier fait partie depuis l’antiquité du paysage de notre pays. Souvent planté à abri du vent, cet arbre appartient à une famille très nombreuse forte de 600 espèces différentes d’où proviennent le banyan, le caoutchouc et le philodendron!

La figue que nous mangeons n’est pas à proprement parler un fruit, c’est un réceptacle au bout du rameau qui contient des fleurs femelles au fond et des fleurs mâles près de l’orifice.

Lorsque la fécondation se fait, grâce à une guêpe, une abeille ou un insecte, le réceptacle gonfle, les fleurs deviennent de petites graines, croquantes sous la dent. Plus tard ce seront eux les fruits.

Quand elles sont mûres, elles font la perle, une sève blanche, nommée latex, coule du pédoncule, elle ressemble à du lait, et aussi à du sperme, ce qui fait de la figue le symbole de la fécondité en Afrique.

En Afrique du Nord, d’ailleurs, le mot figue désigne aussi en langage populaire les parties sexuelles masculines. Pour éviter de fâcheuses confusions, la figue est appelée du nom de la saison où elle mûrit, le khrif.

On trouve trois sortes de figues sur les marchés :

la figue verte, la plus juteuse, à peau fine, très réputée en Italie et en Espagne.
la violette, la plus sucrée et la plus juteuse, comme la variété dite d’Argenteuil au nord-est de Paris
la noire, sucrée et un peu sèche que l’on découvre et apprécie sur les bords de la grande bleue.

Les meilleures figues sèches viennent de Turquie, ce sont des figues blanches que l’on trouve séchées en chapelets sur du raphia dans les épiceries, à partir du mois d’octobre.

Un conseil :
Ne dépasser pas Noël pour les acheter car, après elles se racornissent et le sucre remonte à l’extérieur poudrant la peau de blanc.

Sur les barquettes de figues, si la provenance n’est pas indiquée, les figues viennent d’Italie et de Grèce, elles sont plus dures et leurs peaux plus épaisses.

La qualité des figues se mesure en couronnes : de 7 à 9 bonne qualité, 5 à 6 qualité moyenne.
Si nous sommes habitués à les manger en dessert ou en confiture, sachez qu’elles accompagnent très bien volailles, porc et gibiers, et qu’elles sont très bonnes avec du jambon et du fromage.

Dans L’histoire de ma vie, Casanova rencontre, à Venise, Barberine qui l’invite dans son jardin :
“Sa mère lui dit de me donner des figues vertes si elles étaient mûres. Pour les cueillir Barberine grimpe à l’échelle qu’elle me demande de tenir. Elle me dévoila un tableau dont l’expérience la plus consommée n’aurait pas pu imaginer le plus séduisant (….)

L’aidant à descendre, je lui demande si la figue que je touchais avait été cueillie, et elle laisse que je m’éclaircisse restant entre mes bras avec un sourire et une douceur qui me mettent dans un instant dans ses fers.

Je lui demande si elle veut me la laisser cueillir, et elle me répond que sa mère était obligée d’aller le lendemain à Muran où elle resterait toute le journée, que je la trouverais…

Eh oui même Casanova le play boy de ces Dames fut conquis par la figue, ce fruit mystérieux qui séduit en permanence ceux qui ont le plaisir de l’approcher de près…

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Publié par
Pierre Marchesseau

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