Le dimanche, André n’a rien
dit à personne. La petite église est bondée. Tout le monde est présent, chacun
voulant voir, qui cette fois André va traîner dans son sillage. Monsieur le
Curé est aux anges, surtout quand il est obligé de rajouter quelques sièges. Le
diacre connaît tous les efforts qu’il fait, et son église se remplit chaque
dimanche davantage, il est souvent cité en exemple par ses supérieurs,
André prend place sur son
banc habituel au premier rang avec toute sa famille au grand complet. Le bedeau
ferme les deux grandes portes d’entrée et l’harmonium entonne sa musique
habituelle de début de messe pendant que Monsieur le Curé et ses enfants de
choeur se mettent en place. Il commence sa messe par plusieurs prières et
plusieurs chants usuels que tous reprennent. Puis, il monte en haut de sa
chaire et commence son prêche dominical qu’il termine rapidement en annonçant
que la kermesse aurait lieu cette année, dans le parc du château à la surprise
générale et dans une ambiance peut-être même un peu réprobatrice…
Il invite aussitôt André à
venir le rejoindre. Un peu stressé, celui-ci monte lentement l’escalier de bois
et le vieux Curé s’efface pour lui laissé la place.
André :
« – Très peu d’entre
vous se seraient imaginer, il y a encore quelques jours me voir à cette place
pendant la messe dominicale, moi non plus d’ailleurs. Pourtant, j’ai toujours
pensé que le chemin que j’avais choisi était le bon pour les miens comme pour
moi.
Il y a quelques semaines
déjà, une profonde réflexion m’a montré que je m’ étais trompé de chemin.
Pourtant, les proches, mes intimes, Germaine, sa mère, mes enfants se sont tous
battus contre mes erreurs et ont su me montrer que je n’avais pas choisi que de
bons amis pour m’entourer ou me conseiller. C’est mon petit dernier, Gros Sel
que vous connaissez tous, qui a provoqué le choc décisif, avec son humour
corrosif comme d’habitude…
Monsieur le Curé, sans
aucune rancune m’a accueilli et j’ai pu mesurer rapidement avec effroi de
l’étendue du mal que j’avais fait avec mon orgueil et mes mauvais choix en
général en politique en particulier. Il est donc normal qu’aujourd’hui, je
répare. J’ai commencé à le faire, chez moi d’abord ou désormais les décisions
sont prises de façon collégiale, mais aussi dans ma conduite publique en me
mettant au service du Club de football qu’entre parenthèse, je félicite pour
son parcours cette année, de Monsieur le Curé qui a besoin de bras pour sa
kermesse annuelle, à votre service à tous et à la jeunesse en particulier.
Il y a au village, un homme
que je pourfends à tort depuis plus de vingt ans, c’est le docteur Melchior du
château des Mystères. Je n’ai jamais moi-même lancé de rumeurs sur lui, mais je
les ai utilisées et je les ai souvent amplifiées…Pourquoi ? Par cupidité.
Je voulais racheter ces terres et devenir le plus gros, le plus riche le plus
envié, mais je ne suis devenu que le plus gros des imbéciles ! Est ce que
ce brave homme m’a fait du mal… Non ! Est ce que j’ai quelque chose à lui
reprocher…Non ! Avons-nous eut connaissance de sa moindre
indélicatesse…Non ! Il n’avait qu’un défaut à mes yeux. Celui d’exister et
d’avoir des terres que je ne possédais pas.
Cette maladie obsessionnelle
de la possession du bien d’autrui, alla jusqu’à vouloir mettre le feu, avec mes
camarades communistes de l’époque, à son château. Heureusement, ma bonne
Germaine veillait et me flanqua dehors avec interdiction de revenir. Certes,
elle m’a repris huit jours plus tard et j’ai dû promettre de ne plus gâcher sa
vie avec de telles idioties. Merci encore Germaine, de m’avoir ce jour-là sauvé
la vie ainsi que celle de notre famille. »
Germaine se sent rougir jusqu’aux oreilles.
« – André continue…
« – Sur le chemin de la
rédemption, j’ai écrit au docteur Melchior pour implorer son pardon et avec le
grand cœur qu’il cache, il a aussitôt accepté. J’ai dû et c’est normal, lui
donner des gages de bonne foi. Je l’ai fait en toute sincérité, je lui devais
bien cet engagement.
Nous avons fait une réunion
lundi dernier, en présence de Monsieur le Curé, et nous avons décidé certaines
choses. La première, c’est qu’entre le château et le village, cet antagonisme
dépassé doit cessé immédiatement, et que chacun se respecte comme nous le
faisons entre nous chaque jour.
Pour sceller cette amitié
retrouvée, j’ai pensé qu’il serait bien que le village fasse un geste et comme
le terrain où nous faisons la kermesse est beaucoup trop petit nous pourrions
la faire dans le parc du château. Il est sécurisé, il est très beau et nous
rêvons tous, depuis plusieurs générations de le découvrir, c’est l’occasion
maintenant ou jamais.
Le programme de cette
manifestation sera très alléchant, il sera nouveau, unique pour le village. Il
vous sera proposé dans une semaine par Monsieur le Curé qui aura retrouvé sa
place, ici. Il reste maintenant un dernier point très important, dans un
accord, il faut être deux. Monsieur le Curé m’a donné le sien, le docteur
Melchior va-t-il accepter cette ouverture et cette paix ? je la lui pose devant
vous, docteur Melchior acceptez-vous de prêtez le parc et votre château pour la
kermesse annuelle de notre village ? »
André se tait et l’harmonium
égrène quelques sons dans un silence absolu, au pied de la chaire, Monsieur le
Curé son bréviaire en main attend…Un bruit de pas se fait entendre et un homme
tout de blanc vêtu, âgé, la barbe blanche cachant la moitié de son visage, sort
de derrière l’autel, il se signe, fais une genoux flexion devant le christ et
rejoins André en haut du prétoire.
André l’accueille et, se
retournant vers un public qui n’en croît pas ses yeux, ni ses oreilles
dit :
« – Mesdames,
Mesdemoiselles, Messieurs, j’ai l’honneur et le plaisir de vous présenter le
docteur Melchior du château des Mystères. »
Un murmure parcours
l’assistance et tous sont attirés par le regard clair de ses beaux yeux bleus
et son visage marqué par les longues années qu’il a vécues…
Le docteur Melchior d’une
voix émue…
« – Bonjour, depuis
longtemps, je n’ai pas eu l’occasion de m’exprimer en public, pardonnez-moi
cette émotion qui m’étreint. Depuis toujours, je souffre, de cette
incompréhension entre le village et moi, bien que j’en connaisse les vraies
raisons.
Seuls les imbéciles ne
changent pas d’avis. André vient de nous faire une confession publique, peu
d’hommes en sont capables. Je viens d’apprendre de sa bouche, que mon château
avait même eu chaud, il y a quelques années. J’en profite pour remercier Madame
Hillairet de son aide en cette situation délicate, qui prouve à quel point,
l’idiotie, la jalousie, l’endoctrinement peuvent conduire des imbéciles
conditionnés à des actes immoraux, dangereux pouvant gâcher leur propre vie,
celle de leur famille et celle des autres.
J’ai accepté avec plaisir de
tirer un trait sur ce passé et sur la main tendue d’André. Je l’attendais
depuis longtemps. Je lui ai demandé des gages de confiance, il me les a donnés.
Je l’en remercie et c’est avec un grand plaisir que j’ouvrirais les portes, le
parc et le château tout entier pour la kermesse du village, et si les choses se
passent bien, nous continuerons chaque année. Je vous remercie de votre
confiance.
Ayant terminé, le docteur
Melchior descend de la chaire, et avance jusqu’à l’autel, où il est accueilli
par Monsieur le Curé. André regarde le public, et aperçoit au dernier rang, le
Professeur qui est venu comme chacun à la messe. Il se dit qu’il va enfin
pouvoir lui parler en sortant.
Il redescend pour rejoindre
les autres, et invite le docteur Melchior sur son banc. Il le place entre son
épouse et ses enfants. La messe reprend par des chants. André peut constater,
que le docteur Melchior est un bon chrétien, connaissant par chœur tous les
psaumes. Il chante très bien et va même communier. La messe se termine et le
curé raccompagne ses ouailles sur le parvis comme d’habitude, au son de
l’harmonium qui ne cesse d’émettre ses sons mélodieux.
Tous sont très entourés et
le docteur Melchior plus que les autres, chacun rêvant de le voir de plus près
et de lui serrer la main. D’autres félicitent André pour son intervention ou
Germaine pour le courage dont elle a su faire preuve.
Puis, la foule se disperse,
et le docteur Melchior regagne son château, par la petite porte laissée ouverte
par le gardien. Il a invité Monsieur le Curé et le Professeur pour déjeuner, et
passer l’après-midi dans sa roseraie. André le cherche des yeux, mais il a déjà
retiré dès la fin de la messe. il lui a encore échappé.
Ce dimanche, le dîner avec
les parents de Tapioca est une vraie fête familiale ou tous sont très contents
de se retrouver. Pierrot et Gros Sel sont allés chercher Umagu et Pierrot l’a
placé sur une petite table pour qu’il puisse partager le déjeuner. Ils l’ont
récupéré à la fin de l’office et sont rentrés avant les autres. André est
surpris de retrouver le papillon trainant au milieu de la pièce, mais comme
désormais plus rien ne l’étonne, il admet volontiers qu’il soit de la fête.
Germaine une fois seule avec
lui, félicite André pour son beau discours.
Germaine :
« – Tu m’as donné
plusieurs fois la chair de poule, mais quand tu as parlé de l’incendie, j’ai
failli me mettre à pleurer. »
André :
« – Il fallait que je
le fasse, que je le dise, j’en avais besoin, j’ai fait trop de mal sans m’en
douter.»
La grand-mère n’en peut plus
des choses qu’elle va pouvoir raconter, de toute façon elles sont déjà sur la
place publique et ce sont ses copines qui cherchent à la voir, sachant qu’elle
est en première ligne et connaît sans aucun doute, toutes ces nouvelles qui les
passionnent.
Après à l’habituelle station
dominicale à la pâtisserie, tous rentrent à la maison pour terminer la
préparation de la petite fête familiale.
Vers treize heures Tapioca
arrive avec ses parents. Quand elle aperçoit Umagu, elle est super contente et
Umagu le lui rend bien. Elle le présente à ses parents. Ils deviennent les
seconds parents du village à le découvrir de près. Ils sont séduits par sa
beauté, par sa grâce, mais quand ils voient Tapioca engager une conversation
avec lui, ils restent éberlués. Tapioca lui présente sa maman et son papa et à
chacune de ses interventions, il lui répond par un battement d’aile, soit par
une position ou une attitude qui est sans aucune équivoque. Il comprend les
questions et donne à chaque fois une réponse.
À table, il veut être à côté
de Tapioca et fait la comédie tant qu’il n’est pas placé à près d’elle. Le repas
se déroule très bien et les mets comme d’habitude sont exquis.
Pour l’apéritif, André à
sorti son meilleur pineau, mais il ne peut s’empêcher de faire goûter celui de
son année de naissance généreusement offert par le docteur Melchior. Une longue
conversation s’engage avec Claude le père de Tapioca sur la façon d’améliorer
leur vinification et les deux futurs beaux pères décident d’y travailler
ensemble. Les femmes parlent cuisine et du travail des enfants à l’école.
Germaine et la grand-mère reçoivent les félicitations d’usage.
L’après-midi, André propose
une balade au zoo de Chizé, que tous acceptent avec joie. Pierrot indique
qu’avant, qu’il va devoir mettre Umagu en sécurité, car on ne sait jamais. En
passant, Umagu est déposé chez le Professeur. Par le téléphone interne, Pierrot
prévient Ralph qu’il a ramené Umagu, qu’il veuille bien le récupérer.
Au zoo, ils découvrent
toutes les espèces protégées, conservées chouchoutées et plus particulièrement
le vivarium ou des centaines de serpents du monde entier sont présentés dans
des cages de verre. Après une longue promenade en forêt, ils rentent en fin
d’après-midi en se promettant de recommencer dans quelques semaines.
Au château, les choses se
passent plus calmement et chacun se félicite du discours d’André.
Monsieur le Curé :
« – Il m’a fait plaisir
en se lâchant, j’ai pensé qu’il se croyait à la confesse. Il a retourné tout le
village. Ils seront tous là. Ce n’est pas trop tôt que ces rumeurs
cessent. »
Le docteur Melchior :
« – À qui le dites-vous
mon père, mais André nous apparaît enfin sous sa vraie nature. Il deviendra un
fin politique. À nous de bien le driver. Je suis certain que ses enfants sont
important pour lui, il les écoute. Pierrot est un garçon intelligent qui fera
son chemin. Il a déjà de l’ascendant sur son père. Il a comme Béatrice, une
vraie personnalité.
Le vieux Curé :
« – Ah, vous aussi vous
n’aimez pas son surnom !
Le docteur Melchior :
« – C’est un surnom
idiot…Tapioca, je ne comprends pas que les parents le tolèrent, Béatrice c’est
si jolie…
Le Professeur :
« – Ces identifications
sont des phénomènes d’affection ou de moqueries, ils sont les reflets d’une
époque qui recherche une certaine indépendance dans les faits ou dans les mots.
Ils ont deux origines, l’enfance et les parents ou l’école. Il est plus présent
dans les campagnes ou les petites villes et moins dans les grandes villes où
l’indépendance est naturelle, l’affectivité moins marquée.
En ce qui concerne André,
son problème était qu’il n’avait pas d’identité personnelle, ni d’objectif
réel. Il a donc imaginé un monde de dominance, mais il n’avait pas les moyens
du maire, il ne lui restait que son parti pour pouvoir utiliser la force de la
machine du parti et un peu d’argent. Il avait ainsi une impression de domination
et reconnaissance artificielle qu’il s’imposait en rachetant des terres. Il
était le plus gros propriétaire du village et tous le savaient, personne ne
pouvait lutter contre lui financièrement, tous sauf vous docteur Melchior d’où
cette haine viscérale car il ne savait pas comment vous atteindre. Comme vos
terres sont en fermage, il ne pouvait même pas évoquer une jachère éventuelle,
pour les récupérer à la faveur d’un remembrement.
La force, il l’exerçait en
s’en prenant aux valeurs dominatrices que représentent, l’usine, le Maire, le
Château et leurs moyens. Ils lui permettaient d’exacerber son orgueil
destructeur mais puissant. Il avait besoin d’être reconnu chez lui, d’abord par
sa famille et surtout ses enfants qui le détestaient sans qu’il s’en rendre
compte et de plus en plus, en grandissant. Le jour où il en a pris conscience,
les choses se sont remises en place, seules. Il a su ce qu’il devait faire car
il est normal. Il a retrouvé immédiatement cet équilibre qui lui manquait et
dont il souffrait intérieurement. Il a ouvert les yeux et il a su ce qu’il
devait faire. C’est un homme droit, ses propres valeurs morales ont fait le
reste. Il a dû beaucoup souffrir par le passé, il était un insatisfait
permanent et la haine qu’il développait était contre lui en réalité, d’où ses
colères fumantes. Il n’en sera que plus régulier demain, et comme il sera bien
entouré, je suis sûr que vous pourrez compter sur lui…C’est un homme fidèle et
de convictions.
Le docteur melchior :
« – Belle analyse et
belle déduction psychologique Professeur,
Le Professeur :
« – C’est plus facile
sur des êtres vivants que sur des os, des crânes ou des dentitions du
tertiaire, j’en conviens dit-il en riant. J’aimerais bien docteur Melchior que
vous me parliez de vos calculs secrets pour remonter le temps.
Bien que la discussion soit
intéressante le vieux Curé s’est endormi dans son transat et les deux
scientifiques se lancent dans un échange bien compliqué pour nos chastes
oreilles…La discussion s’étend jusqu’aux vêpres et ils sont obligés de le
réveiller pour ne pas qu’il les oublie. Dieu en serait très fâché.
Chacun s’en retourne chez
lui très heureux de ce dimanche ensoleillé.
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