Dans la rue, Pierrot
rattrape Gros Sel, le dépasse sans un mot, sa tête est ailleurs. Le petit
essaie de le suivre en courant derrière son frère qui marche à grandes
enjambées.
Gros sel :
« – Attends-moi !
Tu marches trop vite ! »
Pierrot :
« – Dépêche-toi, les
autres vont nous attendre. »
Arrivés devant le foyer
rural, ils aperçoivent Tapioca, Gros Lard et Saucisse en grand
conciliabule.
Tapioca :
« – Salut les frangins,
ça va, le papillon est toujours vivant ? »
Pierrot :
« – Bien
sûr ! »
Gros Sel :
« – Comment s’est passé
le retour à la maison ? »
Saucisse :
« – Moi, j’ai dormi comme
un loir. «
Pierrot et Gros Sel en
choeur:
« – Nous aussi. »
Gros Sel :
« – Pourtant l’ambiance
a été chaude hier soir à la maison. »
Tapioca :
« – Tes parents vous
ont disputé, puni ? »
Gros sel :
« Non, c’est Pierrot,
mon père parlait du papillon et Pierrot d’un seul coup s’en est pris à mon
père, il l’a insulté, il lui a dit qu’il ne savait pas nous élever, qu’il était
malhonnête et même un voleur. »
Tapioca reste toujours rancunière
:
« – Mais tu es malade
Pierrot, c’est malin pour la suite, si tu es puni comment ferons-nous, c’est la
Goulue qui te monte à la tête ?
Pierrot :
« – D’abord, laisse la
Goulue là où elle se trouve, c’est mon problème pas le tien. »
Tapioca :
« – Il me serait
difficile de faire autrement, va, raconte… »
Pierrot :
« – À ma grande
surprise, mon père n’a rien répondu, il a tapé très fort sur la table avec son
poing, il a mangé sans un mot puis il a quitté la table, il est sorti cinq
minutes et il est monté se coucher. »
Tapioca :
« – Mais pourquoi as-tu
fait ça ? »
Pierrot :
« – Hier après-midi en
passant au-dessus des champs de mon père, il était là en grande conversation
avec le véto, quand il a aperçu le ballon, il a fait un bras d’honneur au
docteur Melchior. Je n’ai pas apprécié et je lui ai dit ma façon de
penser. »
Tapioca :
« – Quoi, tu lui as dit
que tu étais dans le ballon et tu l’as vu quand il a fait ce geste, tu es
complètement malade mon pauvre Pierrot. »
Pierrot l’interrompt agacé :
« – Tapioca arrête de
toujours m’interrompre, le docteur Melchior te l’a dit plusieurs fois c’est
agaçant. Non je ne suis pas idiot, il croit que c’est le véto qui me l’a dit,
comme j’étais parti, je me suis lâché. Je l’ai sonné, il s’est tu pour le reste
du repas, plus un mot. Scotché le père.
Tapioca :
« À mon avis tu ne
paies rien pour attendre, ou il a un plan auquel personne ne pense et il a
besoin de toi pour le mettre en place. »
Pierrot :
« – Ce soir après
l’école, nous irons voir le docteur Melchior au château et nous lui dirons
tout. En attendant, ne restons plus ensemble, et partageons nous, comme si nous
ne nous entendions moins. Séparés, nous penserons moins à nos amis restés
là-bas… et nous aurons le coeur plus gai. »
Tapioca :
« – Tu crois, je
voudrais bien parler d’eux. C’est drôle de penser que ces gens vivent dans un
autre monde que le nôtre. »
Pierrot :
« – N’y pensons plus
pour le moment et dépêchons nous, j’entends la cloche sonner, nous allons être
en retard. Les maîtres sont devant l’entrée, ils arranguent les
retardataires avant que la porte ne soit fermée à double tour jusqu’à
midi. »
La journée se passe sans
problème. Ils font même tous preuve d’une certaine attention, peut-être
justement pour ne pas penser. À cinq heures, ils se retrouvent sous les
marronniers de la place du champ de foire et partent gaiement vers le
château.
Pierrot :
« – J’ai bien travaillé
aujourd’hui, tout me paraissait facile. »
Tapioca :
«- Moi aussi, j’ai tout
su.»
Pierrot :
« – Et vous les petits,
comment s’est passé l’école ? »
Saucisse :
« – Moi aussi, j’ai eu
un bien et un très bien sur mon cahier. »
Tapioca:
« – C’est la maîtresse
la plus surprise.”
Saucisse :
« – Peut-être, mais
moi, j’étais vachement content… »
Gros Sel et Gros lard ont
également très bien travaillé et la maîtresse se rend compte des efforts de
chacun d’entre eux.
Tout en parlant, ils
arrivent devait la grille principale. Pierrot tire la chaînette, et la cloche
égrène son écho mélodieux.
Aussitôt le jardinier
apparaît :
«- Ah c’est vous ! Le
docteur Melchior vous attend ? »
Pierrot :
«- Non, mais nous
voulons absolument le voir. »
Ralph :
«- Ah ! Dans ce
cas, il est dans le jardin, nous taillons les buis. »
Ralph ouvre la porte et les
laisse entrer. Ils l’aperçoivent, debout au milieu de la pelouse, son sécateur
à la main et courent aussitôt vers lui.
«- Docteur,
docteur, » crient-ils en l’entourant, contents de le retrouver.
Le docteur Melchior est
surpris, mais heureux de les voir.
Le docteur Melchior :
« – Mais ce n’est pas
le jour prévu ! Je ne vous attendais pas si tôt, j’espère que vous avez
fait attention, si on vous remarque nous aurons des histoires. »
Tapioca :
« – Nous vous
défendrons docteur Melchior, nous dirons la vérité, vous n’êtes pas ce que les
gens racontent. Ils doivent savoir la vérité au village. »
Le docteur Melchior :
« – Doucement,
doucement les choses doivent s’expliquer. Paris ne s’est pas fait en un jour.
Il ne faut jamais mettre les gens devant le fait accompli. Ne créons
pas de nouveaux problèmes dans le village. Les choses se sont
calmées. Asseyez-vous autour de moi et commençons par le début, comment va
notre papillon. Il est chez toi Tapioca ?
Tapioca est étonnée que le
docteur Melchior continue de l’appeler par son surnom :
« – Non docteur Melchior, il
est chez Pierrot :
Le docteur Melchior :
« – Chez l’un ou chez
l’autre, pour moi c’est la même chose. Donc Pierrot donne-moi des
nouvelles. »
Pierrot :
« – Je dois tout vous
dire docteur Melchior. Hier à la maison, j’ai eu des mots avec mon père. La
soirée, c’est très mal passée. Je vais vous tout vous raconter.
Pierrot raconte avec
précision son altercation avec son père puis se tait.
Le docteur Melchior en se
tordant la barbe avec ses doigts :
« – C’est la réaction
de ton père qui est la plus inquiétante. Tout d’abord, tu apprendras que toutes
les vérités ne sont pas bonnes à dire. Mais parfois, et il me semble que c’est
le cas ici, appliquées au bon moment, elles ont la magie de faire prendre
conscience aux autres de la situation qu’ils ont provoquée.
Il te reste deux issues
possible… Le silence, tu ignores totalement ton père pendant quelques temps,
mais ce sera la guerre. En échange, tu vas devoir travailler à l’école dix fois
plus, ne plus quitter tes livres pour montrer à tous que tu as choisi une autre
voie et que la sienne ne t’intéresse plus. Tu devras être irréprochable en
compensation et, il ne pourra rien te dire.
L’autre plus facile fera,
que dès ce soir, tu vas devoir aller vers ton père et devant toute la famille,
tu lui présentes tes excuses et tu parles avec lui. Tu entreprends cette
discussion en présence du papillon. Tu ne le sais pas, mais il a des pouvoirs
soporifiques, dès qu’il a peur, il dégage un gaz, c’est un calmant. C’est sûrement, la raison
du calme apparent de ton père.
Tu dois profiter de cet
ascendant tu ne risques plus rien. Tu as pris un avantage sur lui, il te
craint maintenant, il est déstabilisé, mais il reste ton père. Tu dois
respecter tes parents, tu auras besoin d’eux pendant longtemps. Ils sont des
gros travailleurs même si ton père fait quelques erreurs de jugement
actuellement, tu lui dois le respect et la reconnaissance. Nous sommes toujours
gagnants en réagissant de la sorte. Savoir pardonner, partager, sont deux des
grandes forces de la vie. Réfléchis, la balle est dans tes pieds.
Moi par contre, j’ai quelque
chose à vous dire. Toute la journée, j’ai réfléchi, j’ai repris mes calculs et
j’ai découvert le moyen de refaire le voyage que nous venons de faire, mais
surtout d’en faire d’autres. »
Les enfants en choeur :
« -Quoi ? !
« On pourra retourner voir Umaguma et sa famille?
Pierrot à l’attention de
Tapioca qui devient aussitôt rouge de colère :
« – Chouette je
reverrai la Goulue.
Le docteur Melchior n’y
prête même pas attention et continue:
« – Pourquoi pas !
Moi, je crois que les dieux nous ont tracé une carte du temps avec des
paramètres que je suis le seul à pouvoir déchiffrer. En équipant l’aéronef de
certaines sécurités supplémentaires, nous pourrons tous ensemble, voyager à
travers le temps passé, découvrir ce que fut le monde avant notre ère.
Nous pourrons partager les
grandes découvertes, la vie de grands hommes, l’origine des modes, des choses
ou de l’art de vivre. »
Les enfants reprennent en
choeur :
«- Nous pourrons voir tout
ça docteur Melchior vous en êtes sûr ? »
Le docteur Melchior :
« – Et oui, je vais
refaire une nouvelle fois mes calculs, préparer les voyages, tracer des cartes,
préparer l’Intemporel. Je vais même vous dire le lieu de notre prochain voyage.
Nous pourrions aller découvrir l’époque des pharaons et des grandes
pyramides.
Tapioca :
« – Nous irons à
Bethlehem voir Jésus ? »
Le Docteur Melchior en
posant un doigt sur ses lèvres :
« – Tapioca, il va
falloir réapprendre ton histoire et ses époques. Dans trois semaines, ce
sera les vacances de la toussaint, nous partirons. En attendant, je vais
réparer l’Intemporel. Vous irez à la bibliothèque, essayez d’en apprendre plus
et de vous documenter sur cette période. Il ne vous reste que peu de
temps. »
Gros Lard:
« – Saucisse et Gros
Sel érudits d’histoire, je veux être là pour voir ça. »
Les deux ensemble
« – Oh Gros Lard balaie
devant ta porte, tu n’es pas meilleur que nous. »
Gros Lard:
« – Je rigole… »
Le docteur Melchior:
« – Maintenant, c’est
l’heure de rentrer chez vous et de reprendre le travail à fond. Ah j’oubliais,
prenez bien soin du papillon. Il vous sera utile. Et, n’oubliez pas, c’est le
travail qui prime désormais. »
Pierrot :
« – Il va bien docteur
Melchior, nous en prenons soin, mon père n’a rien compris, mais le papillon lui
tout. »
Le docteur melchior :
« – Ne porte pas de
jugement Pierrot, c’est à la fin que les choses se jugent, jamais au
début. »