CARPE – Dorade, Carpe de mer, Rousseau
Pagellus centrodontus, Sparus centrodontus, Pagellus cantabricus.
Au Japon la religion bouddhiste a côtoyé le shintô, religion officielle, pendant plus de 1500 ans. Cette garde de sabre japonais datant de la fin du XIXe siècle représente la divinité Kannon, déesse de la miséricorde et protectrice des enfants, sur le dos d’une carpe noire symbolisant très certainement force et puissance. Le début de cette histoire remonte à la nuit des temps. Elle commence pas très loin du pays des mille et une nuits, quelque part en Asie mineure, entre les régions bordant la mer Noire et les provinces méridionales de Chine. Puis, très certainement à la période post-glaciaire alors que les bassins des grandes rivières Rhin, Danube, Dniepr, Volga? se réunissent, elle se propage à l’Europe centrale. La carpe partage
ensuite son histoire avec celle des hommes. Elle le suit du nord de la méditerranée jusqu’au pays du soleil levant, empruntant ou laissant au passage un peu à la mythologie avant de se lancer à la conquête de l’ouest à l’ère du christianisme. Mythe ou réalité ? Peu importe, c’est aussi ça la part du rêve. En Orient : Magoï, Koï et Nishikigoï. On sait que les Chinois élèvent les carpes depuis longtemps. Fan Li écrit en 475 av. J.-C. que depuis 2689 avant notre ère l’élevage des carpes est associé en Chine à celui des vers à soie, les premières se nourrissant des déjections des seconds. Cette technique quelque peu modifiée à encore cours de nos jours en Chine puisque les effluents des porcheries sont directement déversés dans les étangs pour rentrer dans la chaîne alimentaire. Je ne suis pas sûr qu’il faille pour autant tirer des conclusions trop hâtives et y voir là un goût prononcé des carpes pour les crap-baits, mais peut-être ça en dégoûtera quelques uns d’en manger de la carpe! Toujours est il que les techniques évoquées par Fan Li ont survécu au temps et correspondent à une réalité scientifique, même si certains passages sont teints de mythologie. Il conseilla par exemple la technique suivante au Roi Wei du Royaume de Qi :
Au mois de février empoissonner un étang comportant 9 îles et 8 vallées avec 20 carpes pleines d’oeufs et 4 mâles, au mois d’avril introduire une tortue, deux au mois de juin et enfin 3 en août? Pourquoi des tortues ? Fan Li raconte que lorsqu’il y a 360 poissons dans l’étang le dragon vient les chercher, mais que s’il y a des tortues, il ne s’envoleront pas.
Un conseil tout de même avant d’introduire des tortues : vérifier de quel côté est la tête? Un autre mélange de mythe et de réalité est né dans la vallée du fleuve Jaune Huang he, berceau de la civilisation Chinoise. Les carpes, seuls poissons capables d’en remonter les chutes symbolisaient force et puissance. La légende raconte que les plus puissantes, celles qui arrivaient effectivement à remonter les cascades du fleuve tumultueux, se transformaient alors en dragon. A ce titre le grand philosophe chinois Confucius (v.555-v.479 av. J.-C.) reçut à la naissance de son fils, une carpe en cadeau du roi Shoko de Ro. La sémantique du nom que Confucius aurait donné à son fils rappellerait également la carpe : K’ung Li? De nos jours ce seraient plutôt les hommes qui donneraient, avec plus ou moins de poésie, un nom aux carpes’
Les koï carpes en japonais descendent de cette variété de carpe commune noire élevée en Chine et en Asie orientale bien avant le début de notre ère par Fan Li: la carpe Magoï. Différents ouvrages sur les Koï s’accordent à dire que le premier écrit à relater des variations grises et rouges serait le traité chinois « Yogyokyo ». Là où les avis divergent c’est que les uns le date de 533 avant J.-C. et les autres de 533 après J.-C.. Ce qui est plus sûr c’est que la carpe Magoï arrivera au Japon avec les invasions chinoises vers 200 avant J.-C. Etre propriétaire de koï restera longtemps l’apanage de la noblesse japonaise, le peuple se contentant tout bonnement de la grande majorité moins colorée? comme complément du riz. On retrouve en effet trace de l’élevage des carpes au XVIIe siècle dans le petit village de Yamakoshi go proche de Niigata sur la côte nord ouest d’Honshu. Les premières véritables mutations chromatiques rouge, blanche et jaune clair dateraient en fait du début du XIXe siècle alors que les croisements avec des carpes miroirs apparue en Europe centrale vers la fin du XVIIIe siècle donnent de nouvelles variétés vers 1910. Il existe actuellement 13 familles et plus de 100 variétés de colorations codifiées. En Occident : Cyprinus carpio. Les êtres vivants sont classés en fonction de leurs parentés et de leurs principales caractéristiques morphologie, anatomie… On attribue la première classification à Aristote, il y a plus de 2300 ans. c’est le naturaliste suédois Carl Von Linné qui a fait universellement prévaloir, au milieu du XVIIIe siècle, la classification par genre et espèce dans les sciences naturelles. Pour la branche des poissons il a adopté la classification issue des recherches de Pierre Ardeti. Chaque poisson a un premier nom générique commençant par une majuscule et un second spécifique désignant l’espèce commençant par une minuscule : pour la carpe Cyprinus carpio.
Etymologiquement Cyprinus viendrait de Cypre Chypre ou de Cypris la Cypriote nom donné à Aphrodite déesse grecque de l’amour qui, née de l’écume aphros de la mer, apparue comme femme sur l’île de Chypre. Pour les romains, les premières carpes occidentales pourraient donc être apparues sur cette île, plaque tournante du commerce maritime avec l’Asie mineure. Le naturaliste latin Pline l’Ancien 29-79 parla d’ailleurs de la carpe comme d’un poisson de mer vivant sur ces côtes. Les premières zones d’acclimatation concerneront les pays côtiers de la méditerranée dont la Grèce et l’Italie. l’écrivain romain Cassiodore v.480-v.575 rapporte en effet que Théodoric Le Grand, roi des Ostrogoths, importa à Ravenne la capitale du royaume italien, des carpes vivantes du Danube vers 500 après J.-C. Quant à l’origine du mot carpe elle nous vient des Wisigoths, la branche occidentale des Goths qui ravagèrent Rome puis envahirent la Gaule. La carpe a certainement été introduite ensuite dans toute la Gaule par les romains. Toute ? non ! Un village peuplé d’irréductibles Gaulois résiste encore?mais ça c’est déjà une autre histoire.