FOIE GRAS – HISTOIRE
Tout au long des siècles, ce produit tant estimé sur nos tables et en nos assiettes, à fait les délices de palais célèbres ou anonymes. Mais voyons comment les hommes du passé nous ont laissé des traces écrites et graphiques de ce fabuleux met.
Avant d’aller plus loin, notons que l’engraissage des oies et canards corresponds à une observation:
c’est en s’engraissant eux-même, avant leur migration que ces oiseaux trouvent la force d’accomplir leurs longs périples migratoires.
Passons maintenant à l’Histoire.
Au plus loin de la mémoire, nous trouvons des éléments de réponse dans l’Egypte ancienne, soit environ 2500 ans avant J.-C.
c’est bien dans une tombe de la cinquième dynastie que l’on trouve une ornementation représentant un troupeau d’oie, mais aussi des serviteurs préparant des boulettes dont les oies viennent se délecter avant d’aller boire….. Voila une représentation de l’engraissage.
Nous n’avons pas par leurs textes, l’appréciation qu’ils avaient sur le foie gras, mais des représentations de tables, montre des oies au repas, signifiant qu’ils en mangeaient.
Chez les égyptiens, l’oie est sacrée, elle est l’âme du Pharaon. Elle est l’intermédiaire entre notre monde et le monde de la vie éternelle.
Nous supposons également que les juifs dans leur errance après leur sortie d’Egypte, emmenèrent avec eux cette technique qui réapparut partout ou ils s’installèrent.
Chez les grecs anciens, nous trouvons également des textes se rapportant au foie gras. Les textes illustres de Pline l’ancien et Athénée sont de ceux-là.
Athenée dans son Banquet des savants (Tome III, p. 430-431-432 et Tome V, p. 329) Traduction Lefebvre de Villebrune, à l’imprimerie de Monsieur (il s’agit ici du roi), 1798 : « Comme on servoit à la ronde ces oies et plusieurs autres appêtées avec beaucoup de recherche, quelqu’un dit : Oh ce sont des oies siteutoi, engraissées.
Aussitot Ulpien demande en quel auteur on avoit jamais lu une oie sitetos, engraissée
Plutarque réponds : Théopompe de Chio, rapporte dans ses Histoires grecques et dans la treizième des ses Philipiques, qu’Agésilaüs de Lacédemone étant allé en Egypte, les habitans lui envoyèrent des oies et des veaux siteutes.
Epigène le comique dit dans ses Bacchantes :
-« Oh ! si quelqu’un me prenoit pour me nourrir comme une oie qu’on engraisse, siteute. »
Mais, pour toi Ulpien, qui nous interroges à tout ce qui paroît, tu ne peux refuser de nous dire en quel passage des anciens il est fait mention de ses somptueux foie d’oie…. »
Et Dans Homere, on lit : « J?ai à la maison vingt oies qui y mangent du froment écrasé dans l’eau ».
A l’époque de Rome, le foie gras est un met des plus prisé dont en voici la définition selon le Dictionnaire universel de cuisine de j. Favre (fin XIXe siècle):
Foie ( Jecur ficatum). Dans Horace on lit :
« Pinguibus et ficis pastum jecur anseris albi » : foie d’oie engraissée avec des figues.
Horace dit également que le citoyen Mazidienus offrit à Mécène un foie engraissé avec des figues.
Nos cuisiniers contemporains ont essayé de gaver des oies et canards avec des figues, mais le gout n’est pas adapté au nôtre.
Dans son traité de cuisine romaine, De re culinaria, Coelius Apicius, (1498 et suivantes) nous donne la recette suivante :
« Emincer le foies gras avec un roseau, faites le tremper avec du garum. Pilez du poivre, de la livèche et deux baies de laurier. Entourez d’une crépine, faites griller au au gril et servez ».
Le Garum selon Apicius devait remplacer le sel. Le garum est une sorte de sauce, faite a partir d’intestins de maquereaux macérés dans du sel puis séchés au soleil.
Il devrai ressembler au nioc-mam chinois.
Le Larousse gastronomique dit : Il est généralement admis que ce condiment n’est autre chose que la saumure que l’on obtenait en salant des poissons marins, des scombres ou maquereaux surtout, et en les pressant pour en extraire le jus. Le plus réputé qui était obtenu avec le scombre, s’appelait le garum nigrum. On le mettait dans des petits pots comme l’on fait actuellement pour la moutarde, et chaque convive l’accomodait à sa façon, l’un avec du vinaigre (oenogarum), un autre avec de l’eau (hydrogarum), un autre avec de l’huile (oléogarum). Le garum Pipératum était comme son nom l’indique, fortement poivré.
C’est du livre d’Apicius que sont sortis tous les livres de cuisine connus.
les Dons de Comus, de Christian Marin
(1739)
La Varenne
Nouveau Cuisinier François
ou Ecole des Ragoûts
(1727)
La basse cour – Estienne
Menon
La Nouvelle cuisinière bourgeoise
1746
Beauvilliers
Art du cuisinier (1824)
Les siècles suivants n’ont pas « oubliés » cette tradition contrairement à ce que l’on a pu croire pendant longtemps. Nous en trouvons des traces tout au long des siècles.
Il semblerai qu’en Aquitaine, au IVe siècle, l’élevage de l’oie et du canard, M.L Cazamayou, dans son livre « Célébration du foie gras », nous y révèle l’existence d’une fête aux temps des migrations de nos chers volatiles appelée « guit de Saint-Grat » (guit, dans le Béarn, désignant le canard).
Elle nous dit également qu’Alaric II, faisait du foie gras son ordinaire.
De son livre nous apprenons l’existence de sculptures du XIIe siècle représentant des troupeaux d’oies et de saignées de canard.
c’est vers le milieu du XVe siècle qu’apparaît le maïs en France. Et, nul doute que par la suite, les oies et canards furent gavés avec ce grain depuis cette époque.
Au XVIe siècle, Bartolomeo Scappi, cuisinier du pape Pie V pendant une trentaine d’année, signale dans son Opera di Scappi evoco secreto di papa Pio V (1570), l’existence dans la cuisine juive de foie gras rôti. Il est surpris de voir des foies de 3 à 4 livres ( la livre romaine faisant 1k2 environ ), très délicats à cuire et à maintenir sur la broche parce qu’ils fondent.
Marx Rumpolt écrivit dans son livre de cuisine édité en 1581 : « j?ai roti le foie d’une oie que les juifs de Bohème engraissent, qui pesait un peu plus de trois livres. On peut en faire une purée ». Nous retrouvons ici le foie « rôti » dont parle Bartolomeo Scappi.
Dans l’Est de la France, la communauté juive fait recettes de foies gras et pâtés en croûte avec de nombreux épices, jusqu’à 12 et 15 épices, coriandre, muscade, clou de girofle, etc… et ceci dès le XVIe siècle.
Charles Estienne et Jean Liebault dans l’Agriculture et la Maison rustique (1ere édition en 1564) disent comment faire grossir les foies d’oies, très certainement en reprenant les indications des agronomes latins.
Olivier de Serres dans son Théâtre de l’agriculture et mesnage des champs de 1600, parle de la tradition gasconne de l’engraissage des oies.
La Varenne dans son Nouveau Cuisinier François ou Ecole des Ragoûts (1727), transmet quelques recettes de foie gras d’oyes.
En 1750, la recette du « pâté » de Périgueux est dévoilée dans le « Dictionnaire des aliments du chef de cuisine du prince de… ». Voir l’« Histoire du foie gras » d’Henri Deffarges.
c’est ainsi que dans les années suivantes nous retrouvons des recettes de plus en plus évoluées de foie gras dans de nombreux livres de cuisine, comme dans les Dons de Comus, de Christian Marin (1739) . Foyes gras en coquille, foyes aux fines herbes, foyes gras à la poële, Foyes gras en surprise ou en crépine, rôties de foyes gras, ragoût de foyes gras, foyes gras en hatelettes. Et le fameux foyes gras à la broche ! ( Recettes de Christian Marin )
Menon nous donne des recettes de foie gras de poulets, de poulardes, de chapons, voir de dindons dans sa Cuisinière Bourgeoise de 1746 (édition originale)
Beauvilliers, également dans son Art du cuisinier (1824).
Au XVIIIe siècle, quelques voix s’élèvent pour revendiquer la paternité du foie gras en Alsace et en Béarn.
Quelques voyageurs comme Arthur Young, en 1787, dans son voyage en France, conte les mets français y compris le foie gras.
Au XIXe siècle, une invention vient transformer l’usage du foie gras.
Nicolas Appert, suite à un concours initié par Napoléon, ayant pour objet la conservation des aliments de ses armées, découvre l’invention de la conserve ou « appertisation ».
c’est dans son livre « Le livre de tous les ménages ou l’art de conserver pendant plusieurs années toutes les substances animales et végétales » parut en 1810, que la conserve de toutes viandes est encouragée. Depuis lors, votre foie gras arrive universellement sur vos tables sous forme de boites ou de bocaux.
Brillat-Savarin fait multiples références du foie gras de Strasbourg dans les recettes présentées dans la « Physiologie du goût » (1826).
Viennent ensuite toutes les utilisations faites par nos grands cuisiniers du XIXe à nos jours.