Pierrot :
« – Papa, il était 17
heures 37 exactement, tu as sorti ta montre de ta poche et tu l’as mise à ton
poignet, mais tu as fait tombé quelque chose à terre que tu as ramassé. Je ne
peux pas le distinguer, mais je pense que ce sont les clefs du tracteur… »
André touché, coulé,
reconnaît :
« – C’est exactement la
vérité, mais comment fais-tu. »
Il se lève pour boire un
verre d’eau ce qui est rare et dit :
« – Je crois
qu’effectivement, il est temps que nous parlions tous ensemble. Mon Fils a
le don de double vue, il voit les choses sans être présent, si je m’attendais à
ça ! »
Germaine et la Grand-mère
sont à leur tour complètement abassourdies par la révélation de Pierrot. Il a
un don de double vue et voit les choses même quand il n’est pas là…L’une et
l’autre se signent immédiatement en disant :
Germaine implorant
jésus :
« – Doux jésus, je
vais dès demain, en parler à monsieur le curé et brûler un cierge pour sa
santé… »
André :
« – J’ai juré à Pierrot
de me taire, c’est aussi valable pour toi et grand-mère. La connaissance du don
de Pierrot doit rester dans la famille. »
Germaine et la Grand-mère en
se signant à nouveau :
« – Comme tu le veux
André. »
Pierrot regarde son
père s’asseoir:
« – Papa, je suis
encore petit, faisons la paix, moi j’ai envie de bien travailler à l’école, pas
de me battre avec toi. Gros Sel n’a que des très bien sur ton cahier, personne
ne l’a remarqué parmi vous.
André gêné de la leçon
regarde Germaine :
« – Pourquoi tu ne
m’as-tu rien dit, »
Germaine :
« – Je ne m’en suis
aperçu que ce soir en regardant son cahier. La maîtresse a même écrit un mot
sur son cahier pour le féliciter la semaine dernière.
André :
« – Gros Sel, viens
là »
Gros Sel se lève et va
auprès de son père et qui le prend dans ses bras et l’embrasse avec tendresse.
André :
« – Bravo mon fils,
mais il faut continuer. »
Gros Sel :
« – Tu as raison, je
dois travailler si je veux être astronaute. »
André :
« – Quoi ? Tu veux
devenir astronaute comme Gagarine ? »
Gros Sel :
« – Non Papa, comme
Amstrong, mais moi je veux pouvoir remonter le temps. »
André en riant :
« – Amstrong, Aldrin Ah
non, pas les Américains. »
Gros Sel :
« – Si Papa pas les
communistes ! Ils font trop de mal à notre famille, tu penses plus à eux,
qu’à nous !
Venant de son fils, André
prend un nouveau direct et bien qu’il ne réponde rien, celui-là, lui fait très
mal…
Le papillon regarde cette
scène. Il a pris soin de gazer un peu l’ambiance par sécurité et éviter la
scène d’hier soir. Calmés, ils parlent tous tranquillement et la situation
semble totalement maîtrisée. Tous sont assis autour de la table.
André :
« – Depuis quand, as-tu
ses pouvoirs Pierrot ? »
Pierrot :
« – Depuis une dizaine
de jours, je sais où il faut être quand les choses se passent.
Je vois devant mes yeux des
choses importantes que je ne devrais pas voir comme celle d’hier. Je ne peux
rien te dire d’autres, ce n’est peut-être que passager, une coïncidence…Ou une
prémonition pour éviter des problèmes, comme un sixième sens »
André,
« – Je vais m’expliquer
à moins que tu ne le saches déjà Pierrot. »
Pierrot :
« – Non je n’ai pas eu
le temps de me poser la question. »
André :
« – Tu auras donc la
réponse par ma bouche…Mais en attendant, que faisons-nous avec les
journalistes ? »
Pierrot est satisfait de
l’évolution des choses.
« – Il serait bon que
tu nous expliques tout. Ensuite nous en discuterons ensemble. Les choses
fonctionnent de cette façon en Russie démocratique Papa, donc nous te laisserons au final, prendre la
bonne décision en ton âme et conscience. La famille la respectera, moi le
premier. »
André semble soulagé et
détendu. Il raconte son entrevu avec le journaliste :
À la bibliothèque, j’ai
rencontré Monsieur Galet, il m’a
demandé ce que je faisais là. La photo était sur la table, il l’a regardée et
m’a dit :
Monsieur Galet :
« – Qu’il est beau, il
doit être très rare, de quelle espèce est-il ? »
André :
« – C’est un papillon
que mes enfants ont trouvé et je lui ai raconté ce que je sais de votre
histoire. »
Puis, il m’a posé quelques
questions.
Le journaliste :
« – Je suis
naturaliste à mes heures de liberté, j’aime la faune et la flore, ce sont des passions qui remontent à
ma jeunesse. »
André :
« – Pris au dépourvu,
il a été au départ plus intrigué par la cage que par le papillon et m’a demandé
une photo pour son journal. Je n’ai pas su lui refuser. Il est si gentil et
j’aurai besoin de lui pour les élections… »
Germaine le coupe :
« – Ne mélange pas les
choses André, le Papillon c’est la vie de notre famille, les élections, c’est
une passion en dehors de la maison.
André :
« – Tu as raison, je
continue donc, Monsieur Galet prétend que la cage a dû tomber d’un camion de
déménagement ou de celle d’un transport d’animaux rares. Il pense qu’un chien
ou un renard l’aura tiré dans un champ pour le tuer. Devant la résistance de sa
cage, il aura abandonné sa proie là, où vous l’avez trouvé. Demain, il fera une
photo pour son journal avec un petit article. Il n’y a pas de quoi, en faire
une montagne.»
Pierrot :
« – Bien Papa, prends
tes responsabilités, tu ne sais pas encore ou cette photo risque de nous
conduire, Moi si. Vous prenez un
risque dont vous ne mesurez pas la portée, et toi aussi Maman avec ce que tu as
fait aujourd’hui.
Vous avez décidé, vous serez
tous les deux en première ligne, il faudra assurer derrière. Un homme averti en
vaut deux. Tu es de son avis Gros Sel, on les laisse faire ou nous cachons le
papillon dans notre grotte ? »
Gros Sel en riant :
« – Cache le dans ton
étoile ce soir, La Goulue le gardera. Mais ce sont nos parents, ils devront
assurer comme tu le dis, nous ne sommes plus à un dinosaure près. »
André éclate de rire
devant la boutade de son fils:
« – Toute cette discussion
m’a creusé, j’ai faim Germaine. Tu m’expliqueras aussi, ce que tu as fait
aujourd’hui et qui semble ennuyer Pierrot. »
Germaine :
« – Pour moi, pas c’est
peu, pour lui c’est erreur. Je vais t’expliquer. Voici la soupe pour commencer
et grand-mère a préparé un plat de tomates farcies, elle vous gâte. »
Elle amène une pleine
soupière de soupe fumante et odorante pendant que la grand-mère finit de mettre
la table. Germaine s’assied et raconte sa visite au musée. Monsieur Brunet, lui
a promis de restituer les objets, dès samedi en venant à Loulay.
André :
« – Je ne vois pas ce
qu’il y a de dérangeant, à moins que vous n’ayez dévalisé un musée. »
Papa :
« – Si les gens du
musée font bien leur travail, tu auras la télévision dans la cour dans moins de
quinze jours. C’est pour cette raison que je n’ai rien dit, mais le papillon va
nous aider à nous en sortir, il fera diversion. Je ne peux plus rien faire, les
os et la dent sont déjà chez le conservateur du musée. Les choses me
dépassent désormais. Nous allons devoir jouer avec les journalistes, en
attendant la curie.»
André :
« – Germaine, notre
fils est fou. La télévision viendrait dans ma cour et pourquoi pas le
pape ?… »
Et, il éclate de rire
pendant que Germaine sert la soupe. La soirée se termine comme souvent. Après
le dîner, tout le monde ou presque va au lit.
Les jours se suivent et ne
se ressemblent pas, l’adage encore une fois se vérifie. Ce soir, c’est une
famille heureuse qui monte se coucher et s’endort, bercée par de doux rêves
qu’ils entrevoient déjà, chacun à leur manière.
Les choses peuvent changer
plus vite que l’on souhaite, surtout si nous utilisons les bons boutons. Ils ne
savent pas encore à quel point ces jeux vont changer leur vie…
À six heures, la cloche
égrène ses six coups. André se réveille et descend la chemise ouverte, en
chaussettes et déjeune de bon appétit.
Aujourd’hui, il va devenir
une vedette locale. Peut-être va t-on lui proposer une forte somme pour ce
papillon géant.
André à Germaine :
« – Où est le papillon,
Monsieur prend sa douche ?
Germaine :
« – Les enfants ont dû
le monter dans leur chambre comme chaque soir. À neuf heures, ils seront à
l’école. Tu auras tout le temps de parader devant la presse et de préparer les
dessous de ton élection à la mairie. »
Après son petit-déjeuner, il
vaque à quelques occupations matinales, fait manger ses bêtes et le temps passe
très vite. Il aperçoit les enfants qui partent à l’école. Ils le saluent de
loin, leur cartable sur le dos.
Désormais il se sent détendu
et va pouvoir enfin montrer au village qu’il n’est pas uniquement un
cultivateur. Vers 9 heures, il entend la voiture des journalistes et du
photographe entrer dans la cour.
Goguenard, il va les
accueillir et leur offre le café.
André :
« – Germaine s’il te plaît
sert le café à Michel et son ami. »
Germaine :
« – Ah, dit-elle, ils
sont déjà arrivés. Bonjour, Mr Gallet.”
Monsieur Galet :
« – Bonjour Germaine.
Comment allez-vous ? »
Germaine sert le café,
pendant que le père André sort de
son buffet centenaire à forte odeur de cire, une fine d’alcool de sa
fabrication.
André :
« – Tu ne la connais
pas, Michel, celle-ci… C’est une vraie, je l’ai brûlée l’année dernière. Elle a
un an de fût de chêne neuf, je l’ai mise en bouteille, il y a 8 jours, tu m’en
diras des nouvelles ! »
Il sert une rasade à chacun,
et d’un coup de coude et de langue, elle s’engouffre au plus profond de leur
gosier. Ils claquent leur langue et pousse un soupir comme pour exprimer un
regret.
Monsieur Galet :
« – Cette gnaule est
formidable, tu devrais nous en vendre. »
André :
« – Oui, c’est ma vigne
des terrains Daniau tout en bas, le raisin n’est pas assez bon pour faire du
vin, alors, je le brûle au moins deux fois. Il est fort en alcool, bien
équilibré en sucre. Je le laisse vieillir un an dans une barrique de chêne qui
a été utilisée avant pour faire vieillir du sauternes et voilà.
Le photographe :
« – C’est une belle
réussite bravo. Et si nous parlions du papillon, c’est pour ça que nous sommes
venus, non ? »
André :
« – Oui, Germaine,
peux-tu amener notre Roi ? »
Germaine :
« – Il doit être dans
la chambre des enfants. J’y vais. »
André :
« – Sans doute,
ils ne l’ont pas descendu ce matin. »
Germaine monte dans la
chambre des enfants, et ressort avec la cage recouverte de sa protection noire.
Elle redescend l’escalier et pose la cage sur la table.
Le photographe demande que
l’on ferme un peu les volets pour que la pièce soit dans la pénombre puis, il
prépare son appareil et lui met un énorme objectif.
Le photographe :
« – Voilà je suis prêt,
nous pouvons commencer.»
Avec délicatesse, sûr de son
fait André retire la serviette et le papillon apparaît dans toute la splendeur
de sa solitude. Il est noir, marron, vert par endroits. Quand il ouvre ses
ailes un Oh ! d’admiration sort de leurs bouches, car en vérité c’est la
première fois que les uns comme les autres le regardent avec autant
d’attention.
Au premier éclair, le
papillon prend peur et se referme sur lui-même immobile.
Très vite, le photographe
comprend qu’il n’en tirera plus rien ici. Les éclairs lui font peur. Il sort la
cage dans la cour, en pleine lumière et quelques minutes plus tard, la bête se
pavane sous les rayons chauds du soleil matinal.
Pendant presque une heure,
il suit les mouvements de l’animal satisfait de se retrouver en plein air. Sans
les éclairs de son appareil, il peut coucher sur sa pellicule un grand nombre
d’expressions, toutes plus belles les unes que les autres, pendant qu’il se
prélasse, insensible à l’agitation du photographe autour de lui.
Pendant ce temps, André
parle avec son ami journaliste. Il ne peut que lui raconter que ce que les
enfants ont bien voulu lui dire. Les connaissances de Michel Gallet du monde
naturaliste lui assure qu’il détient une pièce unique, inconnue et qu’il va
intéresser beaucoup de monde.
Il a déjà évoqué son
existence avec le jeune directeur des espèces conservées au zoo de Chizé, et
celui-ci souhaite le voir. En voyant la photo qu’André lui a confiée à la
bibliothèque, il lui a répondu :
« – Cette photo est un montage, il ne peut
pas exister, c’est un papillon préhistorique. Il est inconnu à notre
répertoire, et les papillons sont une de mes spécialités. »
Je lui ai dit :
« – Mais il est
vivant »
Et il m’a
répondu :
« – Ce doit être un
montage de photographe, c’est impossible,
je connais mon travail. »
La cage l’a par contre
impressionné et je crois qu’il va se déplacer, surtout quand il verra les
photos.
Le journaliste :
« -Je pourrais parler
avec les enfants ? »
André :
« – Il va falloir être
prudent, les enfants ont peur qu’on leur prenne leur papillon, ils risquent de
se braquer, nous avons eu deux soirées difficiles pour qu’ils acceptent que
vous veniez. Nous devons les préparer, ils sont jeunes. Je vous préviendrai.
Les photos étant terminées,
Germaine rentre le papillon dans la maison, et le recouvre de sa toile pour éviter, que les mouches encore
nombreuses à cette époque, ne viennent le déranger.
Les journalistes et le
photographe prennent congés et chacun s’en va terminer les tâches quotidiennes
commencées.