Il fait frémir l’avant-garde étoilée et s’annonce comme le prochain défi à relever pour les foodistes très motivées. Le dashi, est obtenu à partir d’algues kombu et de bonite séchée, ce fumet ancestral est une science en soi.
Le dashi
Prenez des notes !« C’est le thé de la mer. Quand je le bois, ce bouillon me donne cette impression extraordinaire d’’être bon pour ma santé. Il y a une dimension spirituelle dans ce liquide ! »
Amoureux inconditionnel du Japon, Michel Troisgros s’y rend régulièrement depuis plus de trente ans. Le dashi, qui se traduit littéralement par « le jus sorti des produits », a longtemps été la base de l’’un de ses plats signature : un cabillaud poché dans ce fumet, puis servi avec des algues kombu et accompagné de riz Koshihikari.
Cet hiver, l’élégant bouillon clair composé d’’algues et de poisson fumé et séché se taille la part du roi dans les cuisines des grands chefs. En novembre, au festival Gastronomika de Saint-Sébastien, le rendez-vous de la gastronomie créative sous la férule de Ferran Adrià, trois chefs new-yorkais ont enchaîné les dashis pendant leurs démos : David Chang de Momofuku, David Bouley, pourtant plus connu pour sa french touch et Wylie Dufresne du wd-50.
Plus qu’une toquade tendance!
C’est en effet à partir d’un simple dashi qu’un chimiste japonais découvrit l’umami, la cinquième saveur fondamentale, au début du siècle dernier. Véritable exhausteur de goût, comme l’explique Toshiro Kuroda, l’umami révèle les ingrédients avec lesquels on marie le dashi. C’est pourquoi, comme l’explique Sakura Franck, la chef du restaurant Sous les cerisiers, « le dashi est une base de la cuisine japonaise ». Et la meilleure qui soit, selon Kaori Endo, pour confectionner un bouillon qui mettra en valeur les nouilles soba. Mais chez Nanashi, son nouveau restaurant, Kaori ne prépare pas de dashi : « C’est une cantine, cela reviendrait bien trop cher ! »
Jamais de dashi en granulés !
Simplement trois ingrédients sont nécessaires, mais pas des moindres. D’abord de l’eau, qui se doit d’être de source et très pure.
« Certains chefs japonais utilisent parfois de l’eau de Volvic », précise Michel Troisgros…
À bon entendeur ! Puis, des algues kombu séchées, un processus qui dure au moins un an, ce qui explique leur prix
élevé : 8,70 € les 40 g (environ quatre feuilles) au Workshop Issé. Il en existe différentes variétés. Toshiro Kuroda conseille pour sa part les ma-kombu, parfaitement équilibrées, à choisir très noires, épaisses et sans
trou. Enfin, il faut de la bonite séchée, impossible à dénicher en France lorsqu’elle se présente en filet, une sorte de bâton gris-noir aussi dur que la pierre. Si les puristes insistent sur le fait que cela n’a pas la même saveur, la bonite est quand même tolérée en copeaux que l’on trouve dans la plupart des épiceries japonaises.
Ces trois ingrédients réunis (le kombu est infusé dans un premier temps, puis la bonite) et cuits doucement deviennent le dashi, à boire tel quel, à agrémenter de sauce soja, de mirin ou de miso pour une base de soupe, ou à mélanger à un jus d’agrumes pour napper un poisson. Une fois le bouillon maîtrisé, Kaori Endo insiste sur les modulations possibles : « Je prépare un dashi très corsé en bonite, auquel j’ajoute du mirin et de la sauce
soja. Le résultat laque parfaitement un foie gras poêlé. » Pour les végétariens, la bonite peut être remplacée par des shiitakés séchés, plus faciles à trouver mais chers aussi. En aucun cas il ne semble possible d’utiliser des granulés de dashi, équivalents des bouillons en cubes et vendus dans les épiceries japonaises. Au pire, concède Toshiro Kuroda, « des sachets à infuser », mais alors, pas de secret : choisissez les plus chers (12 € le sachet, au Workshop Issé).