Pour les fêtes, les fourmis ont fait leurs provisions en primeurs ou en foires aux vins. Les cigales s’en préoccuperont la veille ou, au mieux, l’avant-veille.
Toute la journée et même une partie de la nuit, le caviste sera fidèle à son poste, calmant les anxieux, conseillant sans en avoir l’air les timides tout en dénichant un vieux millésime qui ira si bien avec l’oie rôtie.
Il en est de talentueux comme Marc Sibard, des caves Augé, à Paris, qui leur propose très malicieusement « d’acheter un vin bio pour terminer l’année en pureté ».
Les caves Nicolas, un réseau de 450 cavistes en Europe, présentent astucieusement une sélection de champagne avec 20 % de réduction, d’où un Pommery Royal Brut à 26 €, au côté d’une jolie sélection comme ce beau saint-estèphe Tour des Termes 2002 à 17,60 € ou le fin savennières du château d’Épiré 2006 à 10,30 €.
Rompus aux achats de dernière minute, les cavistes gardent les champagnes au frais et ont l’emballage cadeau facile.
Pour rompre la glace ou parfois la grimace, donnez-lui rapidement quelques indices, budget, plat à accompagner. Si c’est votre première visite, posez une question anodine sur le cépage. En trente secondes, vous comprendrez sa passion ou son incompétence.
Cette question n’est guère de mise dans la grande distribution. Si toutes les enseignes ont fait de grands efforts lors des foires aux vins en multipliant les conseilleurs en tout genre, ils se sont évanouis avant Noël, et les acheteurs se retrouvent en rangs serrés mais désespérément seuls face à des linéaires abondamment garnis où le meilleur voisine avec le pire, la bonne affaire avec la mauvaise.
Seul un expert est capable de sortir un joyau de cette gangue, et encore, ce n’est pas sûr. Ne tentez pas le diable, prenez une valeur sûre, un honnête cru classé de Bordeaux par exemple, qui sera, à coup sûr, à un prix très compétitif.
Attention à la livraison
Pour se sortir de la cohue, le réflexe est de s’installer calmement devant son ordinateur. Après de longs balbutiements, l’achat sur Internet a maintenant fait ses preuves.
Mais il faut noter le grand décalage entre la rapidité de la commande et la lenteur de la livraison, surtout en période de fêtes.
Bien des cigales se sont retrouvées fort dépourvues en attendant désespérément une livraison qui a fini par arriver largement après la bataille.
Certains sites ont réagi.
Ainsi, Jean Merlaut, un grand négociant bordelais, a mis en place un système original : « J’expédie par Colissimo des commandes d’une seule bouteille dans les beaux vins en prix tout compris.
» Gruaud-larose 1995, un superbe 2e cru classé de saint-julien est ainsi tarifé à 70 €,
sigalas-rabaud 1997, un somptueux premier cru classé de sauternes à 51 €, prix d’ami,
et le fabuleux yquem 1997 à 264 €, un prix élevé, certes, mais largement inférieur à ceux des boutiques de luxe.
Remarque importante, tous ces millésimes sont à leur apogée et bien choisis, car Jean Merlaut est un redou¬table dégustateur.
Flairant le bon filon, plusieurs sites Internet aux noms suggestifs se sont spécialisés sur le créneau de la livraison rapide, du moins en région parisienne.
Le Carton de six livres, dans les deux heures à Paris et dans la demi-journée dans la région parisienne, une courte sélection de vins jeunes mais bien choisis comme le côtes-de-roussillon 2005 de Singla à 18 € la bouteille (soit 108 € les six).
Pour une livraison en France entière, les frais de port sont de 12 € en Colissimo et 25 € en Chronopost, ce qui est honorable et évite bien des énervements.
Cette fameuse livraison dite du « dernier kilomètre » obère largement les prix et est un facteur de stress. Arrivera-t-elle à temps ?
L’expérience montre que, malgré le dévouement des facteurs et des livreurs, les livraisons de dernière minute sont risquées et toutes n’arrivent pas à destination.
Les évaporations en cours de route sont loin d’être anecdotiques et beaucoup de producteurs répugnent à livrer durant cette période.
« Quel que soit le mode de distribution, nous avons d’énormes problèmes de livraison », souligne Laurent Vialette, un caviste spécialisé particulièrement bien approvisionné dans les vieux millésimes et donc soumis, plus que d’autres, aux vols.
Plus chanceux sont les amateurs habitant une région de production.
« Nous vendons beaucoup de vins les jours avant Noël », se réjouit Marie-Thérèse Barthelmé du domaine Albert Mann en Alsace, « et je peux même d’ores et déjà dire quels seront les clients qui viendront à la dernière minute ! »
Preuve que les cigales ne se transforment pas en fourmis, même pour les fêtes. Qu’importe !
Attention l’abus d’alcool est dangereux à consommer avec modération